Les fastes fêtes de Campra

Christie et Carsen ressuscitent de jubilatoires "Fêtes vénitiennes".

Critique>Nicolas Blanmont, à Paris
LES FETES VENITIENNES - Compositeur Andre CAMPRA - Livret : Antoine DANCHET - Direction Musicale : William CHRISTIE - Mise en scene : Robert CARSEN - Choregraphie : Ed WUBBE - Decors : Radu BORUZESCU - Costumes : Petra REINHARDT - Lumieres : Robert CARSEN et Peter VAN PRAET - Avec : Francois LIS (Le Carnaval, Leandre, Rodolphe) - Le 24 01 2015 - A l Opera Comique - Photo : Vincent PONTET
LES FETES VENITIENNES - Compositeur Andre CAMPRA - Livret : Antoine DANCHET - Direction Musicale : William CHRISTIE - Mise en scene : Robert CARSEN - Choregraphie : Ed WUBBE - Decors : Radu BORUZESCU - Costumes : Petra REINHARDT - Lumieres : Robert CARSEN et Peter VAN PRAET - Avec : Francois LIS (Le Carnaval, Leandre, Rodolphe) - Le 24 01 2015 - A l Opera Comique - Photo : Vincent PONTET ©Vincent PONTET

Entre Lully et Rameau, la figure marquante du baroque français fut André Campra. Né en 1660 à Aix-en-Provence d’un père italien et mort en 1744 à Paris, ce compositeur connu aujourd’hui surtout par son Requiem fut ordonné prêtre et devint, à 34 ans, directeur de la musique à Notre-Dame de Paris. Mais quand, en 1697, il remporta son premier succès lyrique avec "L’Europe galante", la presse s’amusa : "Quand notre archevêque saura que Campra a fait un opéra, alors Campra décampera !"

Venise

Parmi les opéras de Campra (il y eut aussi "Le carnaval de Venise", un "Idoménée" et une "Tancrède"), le plus éclatant fut "Les fêtes vénitiennes" : créé en 1710, l’ouvrage - un opéra-ballet constitué, un peu comme un film à sketches, de plusieurs actes (qualifiés ici d’"entrées") sans lien narratif entre eux - atteignit le chiffre plus que respectable de 300 représentations à Paris jusqu’en 1760. Il faut dire que Campra ne ménagea pas ses efforts pour relancer l’intérêt du public, retravaillant et complétant l’œuvre à plusieurs reprises. Ainsi, pour leur nouvelle production donnée à Paris avant Caen, Toulouse et New York, William Christie et Robert Carsen devaient garder le spectacle dans des proportions raisonnables - un peu moins de trois heures - et ont donc sélectionné un des quatre prologues existants et trois des neuf entrées. Le point commun reste Venise, modèle, dans l’Europe de l’époque, de fête mais aussi de licence amoureuse : pendant le carnaval (représenté par un géant qui, lors du prologue, s’oppose à la folie - une libertine - et à la raison - une nonne), on se déguise pour éprouver, confondre ou enlever l’être aimé.

Entre le maître de musique et le maître de danse

Sur cette trame assez mince, mais avec un livret joliment écrit et dans un style moins ampoulé que celui des tragédies lyriques contemporaines, le spectacle est un enchantement constant. Dans les beaux décors de Radu Boruzescu (figurant d’un côté la place Saint-Marc, et de l’autre des intérieurs damassés), avec des dominantes de rouge et de noir, Carsen signe une lecture brillante - hormis quelques brefs moments où il donne le sentiment de se répéter (les touristes au début, les déchets à la fin) : de l’immense gondole sur un lit de fumée aux gondoliers danseurs en passant par les moutons en perruque poudrée ou la lutte d’influences - deux siècles avant Strauss - entre le maître de musique et le maître de danse, on rit et on s’émerveille tour à tour. Et comme les chorégraphies (confiées à l’excellent et très inventif Scapino Ballet Rotterdam), le chant et le théâtre s’intègrent parfaitement, on ne voit pas le temps passer.

Hormis quelques légers désordres dans l’entrée des Sérénades, William Christie maîtrise avec l’aisance qu’on lui connaît la partition de Campra, et les Arts Florissants excellent dans tous les pupitres, musette comprise. Formidable distribution aussi, très majoritairement francophone et composée de chanteurs souvent formés au Jardin des voix, l’académie des Arts Flo : tous ou presque sont dignes d’éloges, mais Cyril Auvity, François Lis, Elodie Fonnard et surtout Marc Mauillon - extraordinaire de naturel et d’articulation - méritent des mentions particulières.

A voir à l’Opéra-Comique à Paris, jusqu’au 2 février; www.opera-comique.com

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