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Singin' in the Rain au Châtelet, un musical du tonnerre !

Dans «Singin'in the Rain», le metteur en scène Robert Carsen fait pleuvoir sur la scène du Châtelet dans un instant de grâce et de magie. Théâtre du Châtelet - Marie-Noëlle Robert

Comédie musicale Robert Carsen signe une adaptation brillante et maligne du film de 1952, avec un casting au cordeau.

Il en fallait, du culot, pour oser s'attaquer à ces monstres sacrés de Hollywood que sont Singin' et son interprète et coréalisateur Gene Kelly. Certes, ce film musical culte n'en est pas à sa première adaptation scénique, ayant déjà fait l'objet de productions à Londres et à New York. Pas plus que Jean-Luc Choplin, actuel directeur du Théâtre du Châtelet, n'en est à sa première «reconversion» théâtrale d'un classique du cinéma. Il triompha, pas plus tard que l'hiver dernier, avec une version d'Un Américain à Paris redoutable de précision dramatique, signée Christopher Wheeldon. Il n'en reste pas moins que Chantons sous la pluie, hommage du cinéma des années 1950 aux films muets, ne semblait pas - du moins sur le papier - taillé pour les planches autant que pouvait l'être le tubesque film de Vincente Minnelli, sorti un an plus tôt.

Pourtant, le spectacle qui, depuis le 12 mars, fait pleuvoir vivats et louanges sur une salle qui s'est muée, en moins d'une décennie, en véritable Broadway sur Seine, est un enchantement absolu. D'abord par la qualité de sa distribution. Reprendre à Gene Kelly et Debbie Reynolds les rôles légendaires de Don Lockwood et Kathy Selden demandait de la part des acteurs-chanteurs-danseurs une sacrée témérité. L'athlétique Dan Burton et la mutine Clare Halse, formés au Royaume-Uni, ne sauraient faire oublier leurs illustres prédécesseurs. Ils remplissent toutefois leur contrat avec les honneurs, aidés par le travail respectueux et néanmoins moderne du chorégraphe Stephen Mear. Tout comme la drolatique Emma Kate Nelson en Lina Lamont, comparse à voix de crécelle de Lockwood condamnée à disparaître avec le cinéma muet.

Le Carsen qu'on adore

Si dans l'art du casting, le diable se niche dans les détails, les rôles secondaires tiennent ici la dragée haute aux têtes d'affiche. Le Cosmo Brown de Daniel Crossley, âme damnée du héros et figure allégorique du compositeur hollywoodien, est remarquable de finesse. Jennie Dale s'avère aussi irrésistible en chroniqueuse mondaine qu'en prof de diction experte en claquettes. Mais tout cela ne serait qu'une succession de simples numéros de bravoure sans le génie du metteur en scène Robert Carsen, qui réussit le tour de force de faire entrer, dans le cadre de scène du Châtelet, cet hommage du Technicolor à l'âge d'or du muet. C'est le Carsen qu'on adore: chic et malin. Son esthétique toute de monochromie, dans laquelle tranchent avec un contraste impressionnant la scène de ballet «flashy» sur Broadway Melody et le Singin' in the Rain repris collectivement en «bis», sous des trombes d'eau avec cirés jaunes et parapluies multicolores, est un parti pris aussi signifiant qu'élégant.

La scène mythique où Don Lockwood danse sous la pluie n'efface pas l'original. Mais voir pleuvoir sur la scène du Châtelet est un instant de grâce et de magie que l'on n'est pas près d'oublier. Les écrans faisant office de rideaux de scène intermédiaires, le recours à la vidéo au moyen de saynètes délectables, tournées au château de Versailles ou au Harry's Bar, les titres projetés à l'envers ou à l'endroit font passer constamment du théâtre à l'écran, des studios à la salle. Une mise en abyme rehaussée par le système de la «boîte dans la boîte», déjà utilisé pour l'adaptation de My Fair Lady sur cette scène, en 2010. Le metteur en scène y était entouré de la même fine équipe: Ian Burton à la dramaturgie, Tim Hatley aux décors, Anthony Powell aux costumes.

Un «son Châtelet»

Dans la fosse, l'Orchestre de chambre de Paris mené par le Britannique Gareth Valentine est tout en luxuriance de cordes et en éclats cuivrés. Sublimant les mélodies inégales de Nacio Herb Brown, il vient confirmer ce que les saisons précédentes laissaient pressentir: Jean-Luc Choplin n'a pas fait que convertir le public parisien aux musicals américains. Il a aussi su recréer, au fil de ses productions, un «son Châtelet», fusion de l'esprit Broadway et de l'orchestration à la française.

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