Giulio Cesare à l'Opéra de Toulon

Xl_gc2 © Frédéric Stéphan

S'il avait plutôt réussi sa mise en scène de Lohengrin ici-même en 2012, force est de constater que Frédéric Andrau a complètement raté le Giulio Cesare de G. F. Haendel que l'Opéra de Toulon lui a confié cette fois. Oui à l'ironie et à l'humour qui distancient, mais non à son exclusive utilisation qui, avant même que le spectateur ne l'ait perçu, tue l'objet qu'elle raille. Un procédé qui fait de chaque personnage un pantin perpétuellement ironisé et ne lui laisse, pas plus qu'à son interprète, le moindre champ de liberté pour exprimer ses sentiments est une grave erreur. Et surtout Andrau semble avoir confondu César avec Néron ou Caligula, pour en faire ainsi un personnage pataugeant dans la luxure et la débauche, entouré d'une clique qui ne pense qu'à s'empiffrer et copuler - dans toutes les positions, avec n'importe quels partenaires, et à tout moment... Tout cela laisse une impression dérangeante et surtout ne sert pas l'œuvre de Haendel et Haym.

Du côté des chanteurs, la vedette de la production est bien entendu la mezzo italienne Sonia Prina, très engagée (sinon trop, genre hyperactive) dans son rôle de Giulio Cesare, vocalisant avec agilité mais avec une exactitude d'intonation qui laisse cependant souvent à désirer. Quant à Roberta Invernizzi, qui chante Cleopatra, son timbre est un peu trop léger pour ce personnage, mais il émeut néanmoins dans le bouleversant air « Piangero la sorte mia », au III, lorsque Haendel fait basculer ce rôle vers le tragique. Teresa Iervolino campe une Cornelia décente, au timbre homogène, assez agile dans les vocalises, malgré quelques traces de vibrato. Monica Bacelli dessine un remarquable Sesto : la mezzo italienne possède une voix claire et équilibrée, et s'acquitte de sa tâche avec précision et musicalité. Notons également la très honorable prestation de la mezzo Daniela Pini en Tolomeo (rôle habituellement dévolu à un contre-ténor) qui offre une émission vocale limpide, à défaut d'être toujours très sonore. Enfin, Riccardo Novaro est un Achilla aux moyens impressionnants, très impliqué dans son personnage.

En ce qui concerne la fosse, le chef italien Rinaldo Alessandrini empoigne la partition à bras-le-corps et exige parfois de ses instrumentistes – un Orchestre de l'Opéra de Toulon peu rompu à ce répertoire -  de tenir des tempi qu'ils ont parfois du mal à respecter. Pourtant, le pari est tenu avec aplomb : les trois heures de musique que fait entendre la partition sont variées de ton, aussi riches de rebondissements sonores et de climats fortement contrastés. Chef et orchestre se posent ainsi comme le principal motif de satisfaction de la soirée.

Emmanuel Andrieu

Giulio Cesare de Georg Friedrich Haendel à l'Opéra de Toulon, les 7, 10* & 12 avril 2015

Crédit photographique © Frédéric Stéphan

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