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Un Hamlet d’anthologie

Avignon
Opéra
05/03/2015 -  et 6* mai 2015
Ambroise Thomas : Hamlet
Patrizia Ciofi (Ophélie), Géraldine Chauvet (Gertrude), Jean-François Lapointe (Hamlet), Nicolas Testé (Claudius), Sébastien Guèze (Laërte), Patrick Bolleire (Le Spectre), Julien Dran (Marcellus), Bernard Imbert (Horatio), Jean-Marie Delpas (Polonius), Saeid Alkhouri (Premier fossoyeur), Raphaël Brémard (Deuxième fossoyeur), Philippe Chevrier (Doublure du Spectre)
Chœurs de l’Opéra Grand Avignon, Aurore Marchand (chef de chœur), Orchestre régional Avignon-Provence, Jean-Yves Ossonce (direction musicale)
Vincent Boussard (mise en scène), Natascha Ursuliak (réalisation de la mise en scène), Vincent Lemaire (décors), Katia Duflot (costumes), Alessandro Carletti (lumières)


Une production ne donne pas toujours sa pleine mesure dès les premières séries de représentations, et le Hamlet de Vincent Boussard, venu de Marseille et Strasbourg, appartient à celles-là. Comme souvent, le travail du metteur en scène privilégie la dimension scénographique, ici portée par des murs aux allures de papier mâché ou verre brisé dessinés par Vincent Lemaire, métaphore de la rupture dans l’harmonie familiale et politique induite par l’adultère et le meurtre du roi, le tout assaisonné de quelque modernité sémiologique, à l’image de la baignoire où se noie Ophélie, dispensant les costumes de Katia Duflot de toute actualisation intempestive. Sans amoindrir la pertinence du visuel, soutenu par les lumières d’Alessandro Carletti, il faut bien admettre que les interprètes de la reprise avignonnaise lui donnent un impact dramatique nouveau.


Et en premier lieu, le rôle-titre, assumé par Jean-François Lapointe. Si Stéphane Degout avait empli de sa présence le héros shakespearien, le baryton québécois en enrichit considérablement la psychologie. Le timbre déploie un admirable nuancier d’affects comme de couleurs, relayé par une belle musicalité. Dès son entrée, une inquiétude point sous ce front noble et affligé. Sans amollir le caractère, il met en évidence la dialectique entre remords et détermination qui meut le personnage tout au long du drame, soulignant ainsi une évolution dynamique de son hésitation archétypale. Le style rivalise avec la plénitude des moyens vocaux: avec une incarnation pétrie d’humanité, l’on tient là assurément l’un des meilleurs Hamlet du moment.


Fruit d’une intensification progressive, Patrizia Ciofi livre le meilleur d’elle-même dans la scène de la folie à laquelle se résume le quatrième acte, et où la soprano toscane fait vibrer la fragilité de le la jeune femme, dont les aigus éthérés trahissent la perdition et les confins de la mort. Loin des caricatures de matrones, Géraldine Chauvet affirme une Gertrude d’une appréciable finesse qui n’est pas insensible à la culpabilité, aux côtés de laquelle Nicolas Testé affiche un Claudius d’une évidente prestance. On reconnaît le frémissement de la voix de Sébastien Guèze, idoine pour les apparitions de Laërte. Patrick Bolleire concentre l’autorité nécessaire au Spectre du souverain défunt, habilement mis en perspective acoustique, tandis qu’un double acrobate évolue à la perpendiculaire du plateau: venue des cintres célestes, l’apparition n’en devient que plus écrasante aux vivants. Soulignons l’Horatio racé de Bernard Imbert, tandis qu’on ne manquera pas d’apprécier l’élan de Julien Dran en Marcellus. N’oublions pas le solide Polonius de Jean-Marie Delpas, ni les joyeux fossoyeurs, Saeid Alkhouri et Raphaël Brémard, parfaitement en situation dans cette scène de genre.


Préparés par Aurore Marchand, les chœurs de la maison se mettent au diapason de l’excellence impulsée par Jean-Yves Ossonce à l’Orchestre régional Avignon-Provence. On ne résistera pas à l’originalité de la facture instrumentale – entre autres les deux saxophones, pupitres nouveaux à la création – ni à la finesse du réseau thématique, jalonnés de motifs aussi fascinants que reconnaissables, auxquels le chef français rend justice, convainquant le spectateur qu’avec Hamlet Ambroise Thomas a écrit son chef-d’œuvre.



Gilles Charlassier

 

 

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