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Il fallait s’y attendre

Antwerp
Opera Vlaanderen
10/04/2015 -  et 7, 9, 11*, 14, 17 octobre 2015
Richard Wagner: Tannhäuser
Ante Jerkunica (Landgraf Hermann), Burkhard Fritz*/Andreas Schager (Tannhäuser), Annette Dasch/Liene Kinca* (Elisabeth), Ausrine Stundytė (Venus), Daniel Schmutzhard (Wolfram von Eschenbach), Adam Smith (Walther von der Vogelweide), Leonard Bernad (Biterolf), Stephan Adriaens (Heinrich der Schreiber), Patrick Cromheeke (Reinmar von Zweter)
Koor Opera Vlaanderen, Jan Schweiger (chef de chœur), Symfonisch Orkest Opera Vlaanderen, Dmitri Jurowski (direction)
Calixto Bieito (mise en scène), Rebecca Ringst (décors), Ingo Krügler (costumes), Michael Bauer (lumières)


(© Opera Vlaanderen)


Il fallait s’y attendre: Calixto Bieito livre une interprétation radicale de Tannhäuser (1845/1861). Les idées nous échappent parfois mais si elle paraît simpliste, la conception a du sens: confronter l’amour et le sexe, l’homme et la femme, la nature et la civilisation. Comme une œuvre telle que celle-ci autorise plusieurs grilles de lecture, des plus classiques aux plus outrageuses, il fallait aussi s’attendre à ce que le metteur en scène s’en empare un jour, après Parsifal et Le Vaisseau fantôme. Quelle maison d’opéra osera lui confier le Ring? En tout cas, contrairement aux idées reçues, qu’il convient, désormais, de battre en brèche, Bieito se situe moins dans la provocation que dans la réflexion, à telle enseigne que le Venusberg tant attendu déçoit: le plaisir ne règne pas vraiment dans ce lieu abandonné par ses nymphes, ses faunes et ses bacchantes. Vénus y attend seule sa proie.


La scénographie illustre judicieusement cette confrontation: dans le premier acte, des plantes suspendues aux cintres, dans le deuxième, une structure blanche, dans le troisième, une superposition de ces éléments de décors, avec de la terre et des sacs-poubelles, comme si la nature reprenait le dessus, malgré la pollution. Le metteur en scène reste fidèle à son langage, sans concession mais moins dispersé que celui, par exemple, d’un Warlikowski. Encore que Bieito semble en panne d’inspiration dans le troisième acte: voilà que Elisabeth devient psychotique, que les choristes rampent comme des zombies, que Tannhäuser se macule de terre. Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, un des spectacles les plus délirants jamais montés sur cette scène, et qui sera y repris en juin, et Lady Macbeth du district de Mtsensk imprégneront plus longtemps la mémoire, même si le metteur en scène obtient de nouveau des chanteurs un engagement absolu.


La distribution respecte les canons du chant wagnérien. Authentique Heldentenor, Burkhard Fritz habite intensément le rôle-titre qu’il incarne pour la première fois: chant de qualité supérieure, timbre remarquable, voix puissante s’ouvrant facilement dans l’aigu. Autre prise de rôle accomplie, l’Elisabeth de Liene Kinca qui tient impeccablement la ligne, malgré la violence qu’elle subit au deuxième acte. Cette soprano au timbre accrocheur chante avec une rondeur et une ampleur admirables. Vénus incandescente, Ausrine Stundytė révèle une voix plus typée mais moins veloutée que celle de sa consœur: une incarnation jusqu’au-boutiste qui rappelle sa Katerina Ismaïlova l’année dernière.


Fréquemment à l’affiche d’Opera Vlaanderen, Ante Jerkunica, basse haut de gamme, laisse, une fois de plus, une forte impression en Landgrave, chanté dans un style parfait, avec assurance et profondeur. Daniel Schmutzhard se montre en revanche inégal en Wolfram: convaincant dans le deuxième acte, il rencontre des difficultés dans le troisième, maîtrisant avec peine l’intonation et le phrasé. Les autres chanteurs, en particulier le Walther d’Adam Smith, et les choristes, tantôt invisibles, tantôt mis à contribution, et pas qu’un peu, garantissent le haut niveau de la distribution.


Malgré quelques imprécisions, pardonnables dans ces presque trois heures de musique, l’orchestre affiche beaucoup cohésion sous la direction à la fois animée et nuancée de Dmitri Jurowski, soucieux tant de la forme que des détails: cordes souples et acérées, bois fins et éloquents, cuivres nets et majestueux, et ce dès l’Ouverture, abordée cependant trop prudemment. A Paris, le public huerait un spectacle aussi subversif. A Anvers, il l’ovationne debout, peu après l’extinction des lumières: une habitude systématique, dans cette salle, mais ceux qui préfèrent rester assis n’ont d’autre choix que de se lever à leur tour pour voir une dernière fois les artistes. A cela aussi, il fallait s’attendre.


Le site de l’Opéra flamand



Sébastien Foucart

 

 

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