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Le Turc en Italie à l’Opéra de Dijon - Jubilation rossinienne – Compte-rendu

Mise en abyme pirandellienne avant la lettre, théâtre dans le théâtre, Le Turc en Italie de Rossini présente un dramaturge en mal d’inspiration qui profite de la venue sur la Péninsule de bohémiens et d’un Ottoman pour s’emparer des événements et en faire la matière de son œuvre. L’Opéra de Dijon reprend la production de Christopher Alden présentée au Festival d’Aix-en-Provence en 2014 ; une mise en scène fourmillant d’idées où le burlesque alterne avec la poésie et la jubilation. La scénographie d’Andrew Lieberman - un décor unique années 50 sans grande originalité (mosaïques délavées, canapé à fleurs, table en formica …) - utilise à bon escient le plateau. La direction d’acteurs parfois appuyée, voire subversive, sert toujours l’action sans laisser de répit. 

© Gilles Abegg - Opéra de Dijon
 
Distribution très homogène d’où se détache l’éblouissante Fiorilla d’Elena Galitskaya qui crève l’écran en personnage assumant sa sexualité débordante face à un mari cocu et à un Turc pressant. Capable de toutes les métamorphoses, sa voix d’une virtuosité aux aigus faciles et d’un naturel confondant déploie tout un arsenal de coloris. La jeune Catherine Trottmann campe en Zaida une rivale sensible, fraîche et d'une remarquable agilité.
Du côté masculin, on relève la prestation très réussie de Vincenzo Taormina en dramaturge à l’affût de tout ce qui se passe sur scène (tel Don Alfonso dans Così fan tutte). Il ne ménage pas sa peine pour parvenir à ses fins tout au long des récitatifs et des airs. Baryton confirmé, digne d’un personnage de la Commedia dell’ Arte, Tiziano Bracci incarne un Don Geronio très en verve et théâtral à souhait, jouant à merveille de la langue italienne et de ses inflexions. Le Selim de Damien Pass possède un charme irrésistible et un timbre rossinien, comme l’Albazar juvénile de Juan Sancho. Luciano Botelho en Don Narciso, dans un rôle surjoué d’amant éconduit traité comme un malade mental sorti de l’hôpital psychiatrique, se montre parfois tendu mais doit assumer les attitudes grotesques qu’on lui inflige.  
 
A la tête d’un Orchestre Dijon Bourgogne aux effluves mozartiens, Antonello Allemandi, chef lyrique expérimenté, insuffle au spectacle vie et ferveur, ménageant des crescendos subtils avec un sens affiné des nuances dans l’accompagnement des chanteurs. A signaler également l’engagement du Chœur de l’Opéra de Dijon et du pianofortiste Raffaele Cortesi animant les récitatifs avec liberté et humour (à l’image des emprunts à la Marche turque de Mozart). Un spectacle roboratif joué par de vrais chanteurs-comédiens et dont on sort le sourire aux lèvres.
         
Michel Le Naour

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Rossini : Le Turc en Italie - Dijon, Auditorium, 14 janvier 2016

Photo © Gille Abegg - Opéra de Dijon

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