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Proche de la perfection

Lille
Opéra
01/14/2016 -  et 17*, 20, 23, 26, 29 janvier, 1er, 4, 6 février (Lille), 20, 23, 25 février (Luxembourg), 19, 22, 25 juin (Caen) 2016
Giuseppe Verdi: Il trovatore
Igor Golovatenko (Le comte de Luna), Jennifer Rowley (Leonora), Sung Kyu Park (Manrico), Elena Gabouri (Azucena), Ryan Speedo Green (Ferrando), Evgeniya Sotnikova (Inès), Pascal Martin (Ruiz)
Chœur de l’Opéra de Lille, Yves Parmentier (chef de chœur), Orchestre national de Lille, Roberto Rizzi Brignoli (direction)
Richard Brunel (mise en scène), Bruno de Lavenère (scénographie), Thibault Vancraenenbroeck (costumes), Laurent Castaingt (lumières)


(© Simon Gosselin)


Boutade bien connue : pour réussir Le Trouvère (1853), il suffit d’engager les quatre meilleurs chanteurs du monde. L’Opéra de Lille n’a évidemment pas les moyens de réunir un Ludovic Tézier, une Anna Netrebko, un Marcelo Alvarez et une Ekaterina Semenchuk, comme l’Opéra de Paris, du 28 janvier au 15 mars, mais les chanteurs portent tout de même haut la bannière du chant verdien.


Igor Golovatenko campe un Comte de Luna impressionnant : la puissance de la voix, la beauté du timbre, l’ardeur du chant, l’égalité de l’émission comptent parmi les principales qualités de ce baryton verdien prometteur. Autre incarnation formidable, celle de Jennifer Rowley en Leonora : malgré par moments une légère crispation dans le médium, la soprano américaine maîtrise au plus haut point sa voix, vibrante et corsée, conduit rigoureusement le phrasé et soude au mieux les registres. Distribué en Manrico, Sung Kyu Park s’investit lui aussi sans s’épargner. Le ténor coréen, qui met en valeur un timbre tantôt sombre, tantôt lumineux, chante avec tenue mais dans un style plus quelconque. Elena Gabouri, enfin, possède et domine très largement les moyens exigés par Azucena. A la somptuosité du timbre s’ajoute une impeccable discipline, la voix athlétique et aux accents cuivrés de cette force de la nature s’avérant irréprochable, même dans les moments incandescents. Chez l’un comme chez l’autre, dans les airs comme dans les ensembles, la qualité se maintient à un niveau élevé.


Parmi les rôles secondaires émerge surtout le très mâle Ferrando de Ryan Speedo Green, à la voix imposante, malgré une émission parfois trop resserrée. Evgeniya Sotnikova et Pascal Martin ont trop peu à accomplir en Inès et en Ruiz mais ils ne déparent pas le plateau. Quant au chœur, préparé par Yves Parmentier, il a rarement paru aussi impliqué et uni que dans cette production. Sous la direction enflammée et experte de l’excellent Roberto Rizzi Brignoli, l’Orchestre national de Lille se montre vif et précis, se pare de couleurs sombres du plus bel effet et imprime à la représentation une urgence théâtrale implacable grâce à son dynamisme et à sa virulence.


La mise en scène lisible et bien pensée de Richard Brunel ne cherche pas midi à quatorze heures, et tant mieux. Deux camps de marginaux s’affrontent comme dans Roméo et Juliette ou West Side Story et squattent des cours et des immeubles sordides et abandonnés – scénographie imposante de Bruno de Lavenère, éclairage étudié de Laurent Castaingt. Grâce à une direction d’acteur évitant les poncifs, bien que la scène d’ivresse ait un air de déjà-vu, et à une utilisation optimale de l’espace et des différents niveaux de ce décor constitué de passerelles et d’escaliers, les personnages se détachent, prennent corps, s’agitent mais suscitent peu d’empathie – qui s’en plaindrait, de toute façon, dans cet ouvrage ? Pour admirer ces jours-ci un Trouvère proche de la perfection, rendez-vous à l’Opéra de Lille où le prix des meilleures places ne dépasse pas 69 euros.



Sébastien Foucart

 

 

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