Laurent Pelly signe un Médecin malgré lui enlevé à l'Opéra des Nations de Genève

Xl_lmml_c_caroleparodi_02 © Carole Parodi

Après l'échec de son grand-opéra La Nonne sanglante à l'Académie Impériale de Musique, Charles Gounod compose pour le Théâtre Lyrique Le Médecin malgré lui, sur un livret de Barbier et Carré, lesquels suivent fidèlement la comédie de Molière dont ils s'inspirent. Presque oublié aujourd'hui, cet opéra-comique en trois actes, tout de charme et de fraîcheur, montre un Gounod se laissant aller à une veine comique qu'il a peu exploitée par ailleurs. Créé en 1858, l'ouvrage dépassera les cent quarante représentations sous le Second Empire. La musique y est d'une bonne humeur communicative, tournée avec élégance et légèreté, paraissant citer des phrases musicales du XVIIe siècle – dans l'ouverture notamment -, tout en les intégrant à une écriture personnelle déjà bien reconnaissable. C'est particulièrement vrai de l'air le plus connu de la partition, dévolu à Sganarelle - « Qu'ils sont doux, bouteille jolie, vos petits glouglous » - que Gounod orne d'une mélodie délicate qui évite toute vulgarité à ces couplets.

Il faut donc saluer ici l'heureuse initiative du Grand-Théâtre de Genève – délocalisé depuis février dernier et rebaptisé l'Opéra des Nations – de redonner sa chance à cette réjouissante rareté, d'autant que la réussite du spectacle est totale. Comme à son habitude, le génial metteur en scène français Laurent Pelly signe une mise en scène burlesque et enlevée, qui paie tribut au théâtre de tréteaux cher au Sieur Poquelin, en même temps qu'à la Commedia delll'arte. Il est formidablement aidé en cela par la scénographie savoureuse de la fidèle Chantal Thomas, dont l'étonnant mobile composé d'objets du quotidien, à l'acte I, suscite un gazouillis de satisfaction parmi les spectateurs.

Dans le rôle de Sganarelle, Boris Grappe se montre époustouflant, en véritable bête de scène qu'il est. Animé d'une verve irrésistible, il brûle les planches, bondissant et cascadant à l'envi, tandis que la voix, au registre aigu brillant, est superbement timbrée. Avec ses graves profonds et capiteux, la jeune mezzo franco-marocaine Ahlima Mhamdi campe une pétulante Martine, épouse bafouée de Sganarelle qui se venge : « A corsaire, corsaire et demi ! » lance-t-elle avec brio. En dépit d'une voix désormais éraillée, Doris Lamprecht offre son grand talent scénique à Jacqueline, la « belle nourrice ». Stanislas de Barbeyrac est un luxe en Léandre, auquel il prête son timbre viril et son chant racé, tandis que Frank Leguérinel incarne un Géronte de caractère. Clémence Tilquin n'a qu'un seul air, à la fin de l'ouvrage, et on le regrette tant sa Lucinde révèle une voix prometteuse autant qu'un tempérament affirmé. Une mention, enfin, pour le duo comique formé par José Pazos (Lucas) et Nicolas Carré (Valère).

Sous la direction pleine d'entrain du jeune et talentueux chef français Sébastien Rouland, l'Orchestre de la Suisse Romande parvient à rendre toute la verve et la spontanéité de la partition de Gounod, et ce n'est pas le moindre des bonheurs d'une soirée qui en aura été prodigue !

Emmanuel Andrieu

Le Médecin malgré lui de Charles Gounod à l'Opéra des Nations de Genève, jusqu'au 18 avril 2016

Crédit photographique © Carole Parodi

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