Fin de saison en apothéose ce soir à l’Opéra de Marseille. La nouvelle production de Macbeth présentée par une équipe d’une rare homogénéité a suscité l’enthousiasme. Pourtant, monter Macbeth n’est pas une mince affaire. En plus de la redoutable écriture vocale de Verdi, les artistes doivent également rendre justice au théâtre de Shakespeare. Musique virtuose, écriture théâtrale acérée et tension trois heures durant : les enjeux et les difficultés de Macbeth sont redoutables. Force est de constater que le pari a été relevé.

Pour une fois, commençons par saluer comme il se doit les forces permanentes de l’Opéra de Marseille. L’osmose entre les chœurs et Emmanuel Trenque (leur nouveau chef) continue de susciter l’admiration en cette fin de saison. Rarement (pour ne pas dire jamais) nous n’avions entendu la formation marseillaise obtenir une telle cohésion et une telle qualité globale tant dans les attaques, dans la précision des nuances que dans le soin porté à l’intonation. Cette prestation de haute qualité est d’autant plus appréciable que les chœurs sont omniprésents dans Macbeth. Du début de l’ouvrage jusqu’à sa conclusion l’investissement sera maximum. Cette osmose est également le fait de la brillante direction du Maestro Pinchas Steinberg. Ici aussi les musiciens de l’orchestre de l’Opéra de Marseille sont apparus d’une grande qualité. Superbe unité, très bel équilibre entre les pupitres, énergie et nuances permettent de rendre justice à l’écriture orchestrale de Verdi. La direction musicale s’avère justement dramatique parvenant à maintenir la tension jusqu’au final de l’ouvrage. La fosse ne couvre jamais le plateau et les tempi sont toujours très justes.

Déjà comblés par cette dynamique, l’enchantement continue avec un plateau vocal d’une parfaite homogénéité. Le Macbeth de Juan Jesús Rodriguez est davantage touchant que véritablement méchant. On ne saurait s’en plaindre ! Son air du dernier acte est une merveille du fait d’une sublime maîtrise de la ligne de chant et d’un style très soigné. Les nuances sont utilisées avec une belle subtilité. La voix quant à elle apparaît bien projetée et la tessiture du rôle est parfaitement maîtrisée. Très belle présence et investissement maximum en font un Macbeth particulièrement crédible et attachant. Sa compagne à la scène chantée par Csilla Boross joue exclusivement la carte de la fureur au détriment de la tentatrice ensorcelant par sa sensualité. La puissance de cette voix est impressionnante. La soprano parvient à couvrir sans peine dans les ensembles tout l’orchestre et les choristes. Entre graves poitrinés et aigus un brin métalliques, la soprano hongroise pourrait peut-être gagner en raffinement et en rondeur particulièrement dans le haut de la tessiture. Il faut dire que le Macduff de Stanislas de Barbeyrac s’est avéré particulièrement généreux en nuances. Le jeune ténor français, qui effectuait sa prise de rôle, a enchanté les spectateurs par sa fraîcheur et sa très belle santé vocale. Le soin porté à l’interprétation musicale en fait un personnage particulièrement touchant. Dans la même lignée, le Banquo de Wojtek Smilek est apparu souverain de graves d’une très belle noirceur. Une très belle basse rendant le personnage sacrifié par l’obsession du pouvoir de Macbeth particulièrement intéressant.

Avec un plateau vocal aussi satisfaisant il serait injuste de ne pas non plus rendre justice à la nouvelle création de Frédéric Belier-Garcia qui signait ici la mise en scène. Exit les chaudrons, les personnages fantastiques et les forêts qui avancent. Tout ici respire le réalisme. Macbeth est bien l’histoire d’une ambition obsessionnelle qui va détruire des humains finalement tout à fait communs. Le décor représente une grande salle de réception dans laquelle va se dérouler toute l’intrigue. Des panneaux représentant des arbres ou un mur viennent occuper l’espace et ainsi faire varier les situations à voir. L’aspect du décor se détériore au fur et à mesure que l’intrigue sombre dans le drame. Nous regretterons simplement des lumières quelques peu brouillonnes qui semblent éviter les visages des interprètes. Les costumes, également, flattent modérément le regard. Nous retiendrons surtout la scène où Macbeth aperçoit les futurs monarques qui lui succèderont : très belles images avec une succession d’hommes avec sceptre, couronne et cape d’hermine.

Aux saluts, c’est par des applaudissements très enthousiastes que les artistes ont été accueillis par les spectateurs. Un spectacle de très belle facture qui vient conclure la saison lyrique marseillaise. Une saison harmonieuse rythmée par quelques découvertes, de très beaux plateaux vocaux et des spectacles de belle qualité. S’il en fallait encore des preuves, Marseille et son opéra continuent de s’affirmer. Qui a dit que seul le football était souverain dans la Cité Phocéenne ?

****1