Composé en 27 jours par un Rossini alors âgé de 21 ans, L'Italienne à Alger (1813) est un opéra bouffe qui milite en creux pour l’indépendance de l’Italie. Un succès immédiat et non démenti depuis, tant la musique est joyeuse et exprime l’attrait pour l’Orient. Cette production de l’Atelier Lyrique reste fidèle à l’opéra en nous livrant une mise en scène sobre et classique. Toutefois il est regrettable de noter la quasi absence de direction d’acteurs et la faiblesse vocale des principaux chanteurs.

L’Italienne à Alger s’ouvre sur un Orient intemporel où Mustafa, le bey d’Alger souhaite répudier sa femme Elvira pour épouser une Italienne. Les décors sont sobres : une photographie en noir et blanc représente une ville d’Orient avec ses minarets, des arcades mauresques suggèrent le Palais du Bey. Les eunuques – puis plus tard les corsaires et les esclaves italiens – sont alignés dans le fond, derrière un rideau transparent. Les costumes, dominés par le blanc, sont eux particulièrement réussis.

Le plateau masculin est inégal. Sergio Gallardo interprète un Mustafa très monolithique dans le premier acte, brutal et autoritaire, mais dont les graves marquent les esprits dès « Delle donne l’arroganza ». Le second acte lui donne l’occasion de faire à nouveau entendre ses beaux airs de basse et lors du final il nous régale avec la scène des papatacci « Dei papataci s’avanza il coro ».

Artavazd Sargsyan (Lindoro) entre en scène sur un « languir per una bella » interprété d’une voix bien faible et des vocalises perfectibles. Cette faiblesse s’estompe progressivement au second acte où le timbre de sa voix retrouve un certain aplomb même si le chant orné ne semble pas être son point fort.

Renaud Delaigue nous livre un Haly non insensible aux charmes de la suivante d’Elvira, et content de la leçon que reçoit Mustafa. Il s’impose par sa belle voix de basse et marque lors du seul air qui lui est réservé.

Domenico Balzani domine le plateau vocal avec sa belle voix ample et bien projetée qui exécute sans failles les ornementations qui lui sont dévolues. Il interprète un Taddeo très sûr de sa valeur et de l’amour qu’Isabella lui porte, quoique poltron face au danger, et se révèle très drôle, dans la pure tradition de l’opéra bouffe de Rossini. Ainsi, lorsqu’il est nommé « grand Kaïmakan » sa réaction « Ho un gran peso sulla testa » dessine en creux une critique du pouvoir et de ses distinctions, et se révèle pleine d’humour.

Anna Reinhold interprète une Isabella toute en contradictions : tour à tour séductrice – la comparaison avec Carmen est alors flagrante – décidée et manipulatrice, elle se révèle également très amoureuse, ce qui la rend profondément touchante, avant de se transformer en héraut de l’indépendance de l’Italie. Sa voix maîtrise la technique rossinienne, mais est souvent couverte par l’orchestre ou les autres chanteurs. Elle quitte progressivement le rôle de la femme coquine et « peste » du premier acte pour se transformer en femme décidée et amoureuse. Son air « Per lui che adoro » est magnifique et plein de nuances.  

A la direction musicale Jean-Claude Malgoire interprète cette œuvre d’une manière qui rappelle davantage la musique baroque et Mozart que celle de Rossini. On aurait aimé plus de piquant et d’humour, et ce d’autant que certains airs rappellent La Cenerentola du même compositeur. On retrouve dans la musique de nombreuses « turqueries » mises en valeur par les cuivres.

L’Italienne à Alger relate le triomphe d’une femme dans un univers très masculin. Une femme sur laquelle repose le destin de ses compatriotes. Une femme qui s’oppose également à une autre femme, soumise elle, Elvira, épouse du bey. La confrontation entre les deux lors de la scène du café est d’ailleurs intéressante car loin de railler Elvira, Isabelle la pousse à se révolter. Une réflexion toujours d’actualité… Isabelle défend son couple, l’amour et l’Italie naissante. Face à elle la gente masculine parait bien fade.

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