Raphaël Pichon dirige Zoroastre de Rameau au Festival de Radio-France & Montpellier

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Depuis deux ans qu'il a repris les rênes du Festival de Radio-France & Montpellier, Jean-Pierre Rousseau poursuit la politique initiée par son fondateur René Koering, à savoir la mise en valeur – notamment dans le domaine lyrique – de raretés, cette année : Iris de Pietro Mascagni (avec Sonya Yoncheva) et ce Zoroastre (en version de concert) de Jean-Philippe Rameau, confié à la baguette du jeune et talentueux chef français Raphaël Pichon.

Créé en 1749, Rameau et son librettiste Louis de Cahusac firent subir (sept ans plus tard) à Zoroastre le sort qu'avait connu Dardanus (sa précédente Tragédie lyrique) en 1744 : une refonte de la musique et du livret si importante qu'on peut, à bon droit, parler d'une nouvelle œuvre. Dans le cas de Zoroastre, les modifications affectèrent surtout les actes II, III et V, mais la version de ce soir a également retenu des éléments de la première mouture, aboutissant à une exécution syncrétique des deux versions. A l'époque, l'ouvrage avait choqué : un sujet lié à la religion persane (donc hors du sacro-saint domaine mythologique), de brutales lutttes pour le pouvoir spirituel, des rôles féminins minorés, et une nouveauté, la disparition du prologue portant louanges au roi, faisant entrer directement dans le drame. Mais Zoroastre stupéfia plus encore par le fait que ses auteurs s'y montraient – à l'instar de Zaïs et Les Fêtes de l'Hymen – zélateurs de la Franc-maçonnerie, à laquelle tous deux appartenaient (le quatrième – et dernier - ouvrage de ce type allait être Les Boréades, dont le festival d'Aix-en-Provence nous a offert une version d'anthologie il y a deux étés de cela).

La partition de Rameau – surtout dans son instrumentation – s'avère d'une exceptionnelle richesse, d'une exemplaire variété et montre à quel point le compositeur dijonnais était parfaitement maître de sa technique, cachant précisément « l'art par l'art même ». Il n'est que d'entendre les intermèdes dansés pour s'en convaincre, et l'excellent Ensemble Pygmalion – fondé et dirigé par Pichon - donne ce soir le meilleur de lui-même, par l'âpreté du discours, l'incision sûre de la rythmique, la nervosité de la mélodie et la vérité du style.

Ce style propre à Rameau, les solistes réunis à Montpellier le restituent en vraie grandeur. Dans le clan des « méchants », c'est la magnifique basse française Nicolas Courjal – que les scènes internationales s'arrachent désormais – qui incarne Abramane, ce Telramund baroque, avec une voix qui ne cesse de gagner en noirceur et en ampleur, rendant totalement crédible son personnage de soufre. De son côté, Emmanuelle de Negri chante une Erinice tout aussi convaincante dans la noirceur et la puissance maléfique exigées par sa partie.
Dans le clans des « purs », la chanteuse britannique Katherine Watson est la plus touchante des Amélite, avec un soprano à la fois léger et puissant, tandis que le fabuleux ténor de caractère belge Reinoud van Mechelen – Dardanus d'exception au Grand-Théâtre de Bordeaux la saison dernière – campe un Zoroastre vertueux et humain, à la voix d'une pureté et d'une clarté absolues, entourant son rôle d'une constante noblesse d'âme et de style. Parmi les rôles secondaires, citons la mezzo franco-italienne Léa Desandre, Céphie pleine de tendresse et de douceur.

En guise de conclusion, précisons au lecteur que le spectacle sera repris au Festival d'Aix-en-Provence, le 18 juillet, et donc qu'une séance de rattrapage est possible !

Emmanuel Andrieu

Zoroastre de Jean-Philippe Rameau au Festival de Radio-France & Montpellier, le 15 juillet 2016

Crédit photographique © Pablo Ruiz

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