Hasard du calendrier, cette représentation montpelliéraine d’Iris de Mascagni avait lieu seulement quelques semaines après les représentations de Madame Butterfly aux Chorégies d’Orange. Deux compositeurs contemporains, deux œuvres séparées d’une dizaine d’années et surtout, toujours une Geisha au centre d’un drame. Le parallèle était donc particulièrement intéressant, notamment pour la découverte d’une autre figure de la mode orientaliste, créée à Rome en 1898. Innocente victime de la perversité masculine, Iris est enlevée à son père pour être l’objet des fantasmes d’Osaka et du tenant de maison close Kyoto. Finalement, drame oblige, Iris trouvera le salut auprès du soleil qui l’accueillera en son sein après que l’héroïne se soit jetée par la fenêtre. C’est donc ce drame que le Festival de Radio France de Montpellier a décidé de présenter en version de concert pour la soirée de clôture de sa 32ème édition.

Avant toute chose, louons l’engagement des artistes qui se sont aventurés dans une partition exigeante, qu’ils chantaient pour la première fois et qu’ils ne chanteront probablement pas de si tôt. De ce fait, on ne s’étonnera pas que ceux-ci soient apparus très accrochés à leur partition et que l’incarnation des personnages ait été difficilement perceptible. 

Pourtant, du côté des voix féminines le Festival avait mis les petits plats dans les grands en convoquant la soprano bulgare Sonya Yoncheva. À défaut d’offrir une palette de couleurs et de nuances recherchées la soprano donne à entendre un chant généreux et puissant d’une très belle rondeur. Les amateurs des voix puissantes auront été comblés par un organe capable de couvrir sans problème l’orchestre et les chœurs et de remplir la grande salle de l’Opéra Berlioz par un registre médium/haut de toute beauté. On reste en revanche sur notre faim quant au soin de l’italien et du texte. C’est au dernier acte, lors de l’air « A me tu vieni » que Sonya Yoncheva s’avère la plus crédible balayant une interprétation jusque là un brin trop monotone. La reprise du rôle et un travail avec un metteur en scène pourra aider à enrichir la conception du personnage, mais cette prise de rôle s’est avérée prometteuse. Autre belle découverte, l’italienne Paola Gardina présente une geisha théâtralement très crédible. On reste encore sous le charme de son travail du texte, de sa prononciation très soignée et de sa voix tout à fait charmante.

Malheureusement, du coté de la gente masculine, ni le ténor Andra Carè (Osaka), ni le baryton Gabriele Viviani (Kyoto) ne comblent totalement. Le premier surprend par des aigus souvent tendus et en force, là ou le second, à la belle voix puissante, se contente d’un nuancier invariable autour du forte. Le duo de l’acte deux entre Osaka et Iris souffre d’un manque de crédibilité du fait d’une absence de passion et que les artistes aient été placés de part et d’autre du chef et non côte à côte.

L’Orchestre National de Montpellier s’est malheureusement avéré un peu décevant sous la direction musicale de Domingo Hindoyan, plus soucieuse de faire du volume que de s’aventurer dans un travail délicat et subtil. Plus de répétitions auraient sûrement permis une proposition musicale plus aboutie. Les chœurs de l’Opéra de Montpellier renforcés par ceux de la Radio Lettone satisfont globalement à leur tâche sans pour autant obtenir une parfaite cohésion, le pupitre de ténors notamment étant difficilement audible.

En définitive, une belle découverte mais peut-être servie de manière trop précoce. Compte tenu du fait que les répétitions ont du être peu nombreuses (festival oblige) et de l’ampleur de la tâche de monter un opéra, il sera beaucoup pardonné aux protagonistes. La salle comble de cette soirée de clôture s’est en tout cas levée pour saluer l’audace de la proposition et féliciter les artistes par une longue ovation. Euphorie des grands soirs au Festival de Radio France qui peut donc fermer ses portes sur un bilan positif. Vivement l’année prochaine et de nouvelles découvertes !

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