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La Cenerentola à l’Opéra de Lille – Cendrillon fait la roue – Compte-rendu

Beaucoup de roues, de rouages, de cycles, de rayons, de pédales et de vélos pour cette première incursion dans le domaine lyrique de Jean Bellorini (né en 1981), plus connu pour ses mises en scènes de théâtre (notamment son Karamazov montré au dernier Festival d’Avignon) et par son travail au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis, établissement qu’il dirige depuis janvier 2014. Bellorini, comme tant d'hommes de théâtre avant lui, de Nordey à Sivadier en passant par Pelly ou Braunschweig, aura très tôt cédé à l’appel de l’opéra, et on le comprend. A-t-il eu raison d’accepter ou de choisir La Cenerentola  pour ce baptême du feu ? Pas sûr !

© Opéra de Lille

Belle et délicate mécanique, ce conte de Perrault mis en musique par un Rossini de 25 ans, est un ouvrage faussement facile qu’il ne suffit pas de transposer et d’accessoiriser à outrance pour qu’il parvienne au public avec plus d’acuité. En voulant à tout prix moderniser l’intrigue, Bellorini, qui signe également décors et lumières, se contente de piller dans les univers décalés et iconoclastes des Deschiens et de Laurent Pelly, qui commencent à sérieusement dater. Incessants jeux de rideaux avec focales « cinématographiques », apparitions et disparitions des personnages attifés tels des épouvantails, éclairages fête foraine (comme pour son Liliom présenté en 2015 aux Ateliers Berthier), neige, il se passe beaucoup de choses sur le plateau, mais que d’anecdotes, de prosaïsme ou de remplissage ;  sans parler des grands ensembles et des variations autour de la roue (grande roue, deux roues..) symbole de la fortune, du temps qui passe et du destin, qui culminent à la fin du 1er acte par un départ général pour un « Paris-Roubaix » en petite reine - vraiment gadget !
 
Sur la réserve, peu à l’aise face à cet étrange dramma giocoso rossinien, Antonello Allemandi peine à répartir l’énergie et la grâce, uniquement préoccupé par les accélérations de tempo que lui autorise la partition. Laissés pour compte, les chanteurs suivent tant bien que mal l’Orchestre de Picardie sans que celui-ci ne les soutienne suffisamment.
 

© Opéra de Lille

La jeune Américaine Emily Fons chante le rôle-titre avec une souplesse et une virtuosité aisée, pliant son instrument discipliné à la moindre roulade, sans effort apparent. Est-elle pour autant dans son arbre généalogique ? Peut-être pas, car malgré toutes les qualités de sa prestation, quelque chose semble lui résister. Il n'en demeure pas mois que l'artiste est à suivre.
D’abord nasal, le ténor Taylor Stayton met du temps à se glisser dans la peau de son personnage de prince travesti (Ramiro), pour prendre enfin ses marques et se sortir avec les honneurs de l’air « Si ritrovarla io giuro », d’une belle agilité.
Armando Noguera (Dandini) ne possède ni la plus belle voix de baryton, ni la plus belle technique, mais ses dons pour la comédie compensent aisément certaines petites lacunes vocales, ce qui lui permet d’obtenir une chaleureuse ovation. La basse Roberto Lorenzi compose avec beaucoup de goût et de second degré le personnage poético-philosophique d’Alidoro, tandis que Renato Girolami réalise avec l’assurance nécessaire son numéro « buffo », relayé par ses deux filles caricaturales à souhait, dessinées par Clara Meloni (Clorinda) et Julie Pasturaud (Tisbe), vocalement acides, et par un chœur exclusivement masculin (préparé par Yves Parmentier) de belle allure.
 
François Lesueur

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Rossini : La Cenerentola – Lille, Opéra, 4 octobre, prochaines représentations les 9, 11, 14 et 17 octobre 2016 / opera-lille.fr/fr/saison-16-17/bdd/sid/99619_la-cenerentola
 
Photo © Opéra de Lille
 
 

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