Rancatore et Borras triomphent dans Lucia di Lammermoor à l'Opéra de Tours

Xl_lucia © Marie Pétry

Succès mérité – à l'Opéra de Tours – pour cette Lucia di Lammermoor chauffée à blanc par une équipe artistique qui parvient à restituer à l'opéra de Gaetano Donizetti toute sa flamme romantique. Etrénnée en 2007 à l'Opéra de Marseille, nous avions (re)vu cette belle production - signée par le talentueux metteur en scène français Frédéric Bélier-Garcia - lors de se reprise in loco en 2014, et dit alors tout le bien que nous en pensions. Près de dix après, décors, costumes et lumières évoquent toujours aussi opportunément l'univers de Walter Scott, avec son imaginaire raffiné et inquiétant.

La violence et la passion présente dans la mise en scène se retrouve dans la direction musicale tout feu tout flamme du nouveau maître des lieux, Benjamin Pionnier, qui assure la direction générale de la maison tourangelle en plus de la direction musicale de l'Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours. Le chef français met ici en valeur les couleurs sombres de l'orchestre, accentue les contrastes et maintient de bout en bout une tension implacable. Heureusement, l'ensemble des solistes – et le Chœur de l'Opéra de Tours (très bien préparé par son nouveau chef Alexandre Herviant) – sait se plier à cette dynamique.

Le rôle-titre est incarné par Désirée Rancantore, dont nous avions beaucoup apprécié la Comtesse Adèle à l'Opéra de Lyon il y a deux saisons. De la part d'une chanteuse qui interprète aussi bien Traviata que Lakmé et la Reine de la Nuit, on pouvait craindre un numéro très au point et sans âme, comme il en existe tant aujourd'hui. Il n'en est rien. La soprano italienne met certes en valeur son registre suraigu dès qu'elle en a l'occasion (un peu à la peine, cela dit, dans son premier air « Regnava nel silenzio »...) mais, dans sa nature profonde, sa voix n'a rien d'artificiel ni de désincarné, et c'est bien une femme amoureuse qui vit devant nous, à la fois fragile et ardente, vibrante et diaphane.

Le magnifique ténor français Jean-François Borras – que désormais le Metropolitan Opera de New-York et la Staatsoper de Vienne s'arrachent – lui donne la plus crédible des répliques. Avec sa superbe voix de ténor lyrique, claire et saine à la fois, il n'éprouve aucune difficulté à négocier les passages les plus dramatiques de la partition, et l'intelligence de l'interprète lui permet de se tirer de toutes les situations. La séduction et l'émotion sont au rendez-vous, notamment dans un air final «Tombe degl'avi miei » à se damner.

Victime d'une méchante allergie, nous aurons bien du mal à juger la prestation du baryton français Jean-Luc Ballestra dans le rôle d'Enrico, et nous attendrons une incarnation ultérieure pour le faire. De son côté, la basse polonaise Wojtek Smilek apporte à Raimondo un grave caverneux et l'onction ecclésiastique qui convient. En dépit d'un timbre un peu nasal, le ténor américain Mark van Arsdale campe un Arturo convaincant : juvénile, de fière allure et plein d'allant. Enfin, les jeunes Enguerrand de Hys (Normanno) et Valentine Lemercier (Alisa) méritent également une mention.

Un examen d'entrée parfaitement réussi pour Benjamin Pionnier !

Emmanuel Andrieu

Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti au Grand-Théâtre de Tours – Les 7, 9 & 11 octobre 2016

Crédit photographique © Marie Pétry

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