En clôture du « marathon » Donizetti proposé ce mois-ci par l'Opéra de Marseille, le public phocéen était invité à entendre l’une des partitions phares de la trilogie Tudor : Maria Stuarda. La prise de rôle de la grande Annick Massis et le casting prometteur ont en tout cas fait déplacer les foules pour cette unique représentation en version de concert qui, sur le papier, avait tout d’un évènement.

On attendait beaucoup de la prise de rôle d’Annick Massis en Stuarda. Autant le dire directement, l’acte deux est moins convaincant que le premier. Et pour cause, le rôle tend vers le médium voire le grave de la tessiture. Or Mme Massis n’est pas ici dans son élément et le bas du registre est malheureusement assez peu consistant. La chanteuse a recours à des sons de poitrine jusqu’à s’y abimer quelque peu la voix. Également, de petits accidents perturbent la soprano qui peine à revenir à son personnage. Résultat, la reine déchue allant à l’échafaud ainsi que le dramatisme du final sont peu perceptibles. Visiblement insatisfaite de sa prestation qui avait pourtant si bien commencé, Annick Massis s’excusera lors des saluts, à la limite des larmes. Plusieurs questions demeurent dans notre esprit : Est-ce un rôle pour Annick Massis ? La tessiture du rôle n’était-elle pas trop grave pour sa voix pourtant sublime dans le registre haut ? Ces questions sont d’autant plus légitimes que tout le premier acte est une pure merveille car Mme Massis connaît plus que toute autre l’art du bel canto et en offre une véritable démonstration. L’air d’entrée « Oh nube che lieve » est tout empli de raffinement, de délicatesse et d’une grande variété de couleurs. Le phrasé est superbement conduit, la projection est solide (sans tomber dans les décibels à outrance) et le style est incroyablement maitrisé. « Nella Pace » est également affronté avec toute la souplesse nécessaire permettant aux vocalises, descentes chromatiques et autres pyrotechnies vocales d’êtres parfaitement en place. Que dire des aigus sinon qu’ils sont rayonnants, clairs, sans aucune tension et tenus de longues secondes sans vaciller. Alors, Annick Massis n’est-elle pas toujours une soprano lyrique léger capable d’affronter Lucia ou Puritani avec brio ?

Du côté du reste de la distribution, seules les clés de fa se sont avérées d’une totale satisfaction. Mirco Palazzi campe un Talbot très touchant, très présent vocalement. Son interprétation riche et soignée éloigne définitivement ce personnage du rôle anecdotique. Surtout, il se montre capable d’une très belle écoute de sa partenaire offrant un duo avec Stuarda au II d’une magnifique homogénéité. Florian Sempey est quant à lui un Cecil luxueux grâce à son timbre d’une merveilleuse rondeur, ses aigus vaillants et sa musicalité toujours irréprochable. Malheureusement les choses se gâtent quelque peu avec l’Elisabeth de Silvia Tro Santafé et le Roberto d’Enea Scala. Les amateurs de voix puissantes en auront eu pour leur compte. Les chanteurs, offrent en effet une prestation toute emplie de vaillance et d’énergie. Cependant, le style n’est pas apparu d’un raffinement évident et l’interprétation des personnages nous a semblé un brin superficielle. Le duo Stuarda/Roberto au I souffre d’un manque d’entente sur les nuances et intentions musicales : Annick Massis davantage dans une grande délicatesse et Enea Scala, plus en force, couvrant à de nombreuses reprises sa compagne de scène.

Du coté de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille, les musiciens offrent une superbe prestation entre énergie, puissance et belle cohésion. Cependant, la direction musicale de Roberto Rizzi-Brignoli est apparue assez abrupte. Au I, les tempi sont souvent très rapides (notamment dans le Nella Pace) laissant peu de temps à la chanteuse pour respirer. A l’inverse, au II, l’air final semble paralysé dans une certaine lenteur qui n’aide pas Annick Massis à retrouver l’entrain nécessaire et ainsi lui éviter de se perdre dans des sons graves. Les variations de tempi sont souvent amenées très rapidement et des décalages avec le plateau se font entendre à plusieurs reprises. Egalement, l’orchestre et les chœurs couvrent parfois les solistes. Les chœurs de l’Opéra de Marseille n’appellent en revanche que des louanges. Nous garderons à l’esprit la sublime marche funèbre conduisant Stuarda à l’échafaud. Une nouvelle fois, le chœur phocéen fait preuve d’une magnifique cohésion, d’une parfaite précision dans les attaques, d’une consistance bienvenue et d’une diction soignée.

Preuve que l’audace mérite récompense c’est par un véritable triomphe que les spectateurs marseillais ont accueilli les artistes du jour. Public visiblement satisfait d’avoir pu entendre l’une des plus grandes sopranos française affronter avec un grand courage le rôle de Stuarda. Public également satisfait d’avoir été embarqué depuis deux semaines dans deux épopées historiques Donizetiennes. Anna Bolena et Maria Stuarda ont en tout cas fait vibrer avec passion la scène marseillaise. 

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