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Esprit d’équipe

Lille
Opéra
11/06/2016 -  et 8, 9 novembre 2016
Arthur Lavandier: Le Premier Meurtre (création)
Vincent Le Texier (Gabriel), Léa Trommenschlager (Emma), Taeill Kim (Hippolyte), Vincent Vantyghem (L’autre), Elise Chauvin (Misère), Manuel Nunez-Camelino (Herman), Damien Bigourdan (Aleksandr)
Le Balcon, Maxime Pascal (direction artistique et musicale)
Ted Huffman (mise en scène, scénographie), Florent Derex (projection sonore), Baptiste Chouquet (régie informatique), Pierre Martin (vidéo), Pascale Lavandier, Clémence Pernoud (costumes), Malcolm Rippeth (lumières)


(© Simon Gosselin)


Ouvert à l’audace et à la jeune génération, l’Opéra de Lille réserve une part de sa programmation à la création. Collectif placé sous la direction musicale et artistique de Maxime Pascal, un de ses fondateurs, Le Balcon se plaît manifestement dans cette excellente maison qui constitue un terrain d’expérimentation propice. Après Le Balcon de Peter Eötvös et Avenida de los Incas de Fernando Fiszbein l’année passée, il y propose un nouveau spectacle, Le Premier Meurtre, qui attire l’attention sur un compositeur peu connu pour le moment, hormis dans le cercle restreint des spécialistes de la musique contemporaine: Arthur Lavandier (né en 1987), formé à l’Ecole normale de musique et au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.


Ce partenaire de la première heure de la dynamique formation signe son troisième opéra, sur un livret en français de Federico Flamminio. Ni avant-gardiste, ni passéiste, la musique bien de son temps et sans complaisance de cet ouvrage d’une heure et demie atteste d’un métier solide et d’un instinct dramatique très sûr. Recourant à des procédés d’écriture modernes, en particulier la sonorisation, elle présente un aspect brut, compact, cahoteux, les parties vocales laissant toutefois place au lyrisme et à l’expression. Captivante dès le début, cette composition intense et virtuose se révèle de grande valeur, d’autant que l’amplification des instrumentistes et des chanteurs paraît naturelle. Formidable de précision, de présence et de vigueur, l’orchestre se répartit en deux groupes, l’un, de dix-huit musiciens, dans la fosse, qui comprend un synthétiseur et une guitare électrique, l’autre, de douze musiciens, sur scène, prenant part activement à l’action. Ces derniers se présentent costumés, coiffés et barbus à l’identique, tels des sosies du personnage principal, Gabriel, un écrivain – belle idée de mise en scène.


Le synopsis abscons demeure l’aspect le moins intéressant de ce spectacle qui confond, sans grande originalité, le rêve et la réalité en mêlant plusieurs histoires autour du même personnage, Gabriel, marié à Emma, qui le poignarde – pour de vrai ? – lorsqu’elle apprend la relation de son mari avec Hippolyte, lequel se suicidera après avoir été éconduit. L’acuité de la direction d’acteur rend cette histoire mystérieuse paradoxalement prenante. Certifiant la cohésion de l’équipe et le travail de fond accompli à tous les niveaux, la mise en scène de Ted Huffman épouse étroitement la musique, les chanteurs paraissant tous investis, théâtralement et vocalement. La production se paie d’ailleurs le luxe de confier le rôle principal à l’excellent Vincent Le Texier, ravi de sa collaboration avec Le Balcon, comme il l’explique dans l’entretien reproduit dans le programme, toujours distribué gratuitement à l’Opéra de Lille ; ses partenaires livrent également de remarquables prestations.


En revanche, la mise en scène ne s’avère pas aussi décapante qu’escompté, comme tenu du souvenir laissé par Le Balcon, autrement plus inventif et audacieux. Elle affiche plutôt une modernité confortable et s’inscrit dans un dispositif dépouillé, dominé par le noir. La scénographie réserve de belles images, notamment celle sur laquelle le spectacle se referme. Elle n’instaure pas vraiment le cadre hivernal et l’atmosphère désolée placés en tête de l’argument, brouillant ainsi les repères temporels, alors que les costumes bourgeois suggèrent clairement la Russie du dix-neuvième siècle.


La force de ce spectacle réside donc surtout dans sa cohérence visuelle et auditive, fidèle en cela à l’esprit de l’art total qui caractérise le genre de l’opéra auquel cette compagnie insuffle une fraîcheur réjouissante. Clairvoyant, le public accueille chaleureusement cette remarquable production, le genre de projet porté par une équipe sincère et soudée que nous souhaitons voir plus souvent. Et preuve de sa réussite, cette création suscite immédiatement le désir de revoir immédiatement Le Premier Meurtre pour tenter, cette fois, de percer le secret de son étrange argument.


Le site du Balcon



Sébastien Foucart

 

 

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