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Jaco Van Dormael de retour à l’opéra

Liège
Opéra royal de Wallonie
11/20/2016 -  et 22, 24, 26, 29 novembre (Liège), 4* décembre (Charleroi) 2016
Wolfgang Amadeus Mozart: Don Giovanni, K. 527
Mario Cassi (Don Giovanni), Laurent Kubla (Leporello), Salome Jicia (Donna Anna), Veronica Cangemi (Donna Elvira), Leonardo Cortellazzi (Don Ottavio), Céline Mellon (Zerlina), Roger Joakim (Masetto), Luciano Montanaro (Le Commandeur)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Pierre Iodice (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Rinaldo Alessandrini/Antoine Glatard (direction)
Jaco Van Dormael (mise en scène), Vincent Lemaire (décors), Fernand Ruiz (costumes), Nicolas Olivier (lumières)


(© Lorraine Wauters/Opéra royal de Wallonie)


Le Palais des Beaux-Arts de Charleroi accueille chaque saison quelques productions de l’Opéra royal de Wallonie, comme ce nouveau Don Giovanni (1787), à l’affiche dernièrement à Liège, du 20 au 29 novembre. Après Stradella en 2012, Jaco Van Dormael développe des intentions claires mais peu originales pour sa deuxième mise en scène à l’opéra. Le réalisateur actualise le mythe dans le monde de la finance. Don Giovanni, un tradeur, manipule l’argent comme les femmes, ne s’interdit rien, n’éprouve aucun remords, même lorsqu’il noie, dans sa piscine, le Commandeur, le président d’une société rivale. Son charme agit sur la charmante Zerlina, membre, comme Masetto, de l’équipe de nettoyage qui s’active avant l’arrivée des employés. Amateur de bonnes choses, cet incorrigible jouisseur nappe de chocolat le corps dénudé de deux ravissantes jeunes femmes, avant que le Commandeur ne l’entraîne dans l’eau fumante de sa piscine, métaphore de l’enfer.


Cette transposition moderne répond avec pertinence à l’enjeu du dramma giocoso mais ce spectacle trop gentiment audacieux reflète peu l’imagination et la poésie du cinéaste. Opérante mais modérément inspirée, la direction d’acteur n’évite pas les poses stéréotypées, en particulier dans les airs et les duos, l’intensité laissant parfois à désirer. Le sextuor qui succède à la mort du libertin a été coupé, une décision regrettable qui sert plus le metteur en scène que le compositeur. Le décor assez spectaculaire ravit par son souci du détail, jusqu’au bruitage, mais les changements à vue s’effectuent lentement et bruyamment. La proposition de Jaco Van Dormael, qui hume l’air du temps, présente cependant suffisamment de sens et de maîtrise pour susciter le désir de le retrouver sur ce terrain.


Enthousiaste, le public applaudit, à des moments pas toujours opportuns, des prestations de qualité, malgré le peu de prestige de la distribution. Mario Cassi endosse le rôle-titre avec assez de présence et d’animalité mais le chant n’a pas tout le racé et le mordant attendus, la tessiture paraissant étroite. Laurent Kubla compose son Leporello avec justesse, en conciliant les exigences vocales et théâtrales, sans forcer le trait. Si le chant manque encore d’agilité et de finition sur le plan de l’intonation, l’incarnation témoigne de la sincérité de son engagement. Le timbre peu amène, la dureté de l’aigu et l’inégalité de l’émission rendent les interventions de Veronica Cangemi en Elvira souvent pénibles, en dépit d’un tempérament affirmé. L’Anna de Salomé Jicia, plutôt à l’aise dans la vocalisation, s’avère plus constante et agréable grâce à une voix veloutée et un chant mieux raffiné. Toutes deux se livrent aux débordements de la passion et de la colère mais leurs personnages se révèlent trop univoques.


Leonardo Cortellazzi affiche une prestance toute latine à Don Ottavio auquel il apporte une consistance bienvenue ; le ténor sertit un timbre magnétique dans un chant solaire et stylé. Céline Mellon possède à tous points de vue l’exact format du rôle de Zerline dans lequel elle impose admirablement par sa voix, fraîche et piquante, son aisance scénique et son physique ravissant. Roger Joakim incarne, pour finir, avec son intégrité coutumière, un brave Masetto, à l’allure dégingandée, et Luciano Montanaro tente de personnifier le Commandeur par sa stature mais la voix, peu puissante et profonde, peine à rendre cette figure terrifiante.


Antoine Glatard remplace Rinaldo Alessandrini pour l’unique représentation carolorégienne : sous sa direction pesante et routinière, l’orchestre joue trop lentement et sans éclat mais il affiche son niveau habituel, bien que les bois paraissent ternes et les bois anonymes, ce qui peut s’expliquer par l’acoustique sèche de la salle.


La mise en scène est donc ce qu’il faut avant tout retenir de ce spectacle. Mais ne nous leurrons pas : cette production n’annonce pas un changement d’optique à l’Opéra royal de Wallonie, connu pour son approche traditionnelle et peu audacieuse de l’opéra. La modernité bienvenue de ce Don Giovanni ne paraît pas finalement si éloignée de celle du Secret de Susanne/La Voix humaine ou de L’Echelle de soie, deux spectacles de la saison passée à tous points de vue plus aboutis.



Sébastien Foucart

 

 

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