L’Île du rêve
Reynaldo Hahn (1874–1947)
Idylle polynésienne en trois actes, livret d’André Alexandre et de Georges Hartmann
Créée à l’Opéra-Comique le 23 mars 1898

Orchestration de Thibault Perrine

Direction musicale
Julien Masmondet

Dramaturgie, scénographie et costumes
Olivier Dhénin
Lumières
Anne Terrasse
Chorégraphie
Nina Pavlista

avec

Mahénu : Marion Tassou
Loti : Enguerrand de Hys
Téria / Oréna : Eléonore Pancrazi
Tsen-Lee : Safir Behloul
Taïrapa : Ronan Debois
Faïmana : Chloé Verneuil
Henri : Sebastián Delgado
Deux marins : Timothé Normand, Dennis Wakeford

Ensemble vocal Dionysos
Orchestre du festival Musiques au pays de Loti
 

 

Le 6 décembre 2016 à l'Athénée – Théâtre Louis Jouvet

L’Île du rêve de Reynaldo Hahn à l’Athénée, ou la redécouverte d’un ouvrage charmant qui emmène l’auditeur vers les rives lointaines de la Polynésie. Une invitation au voyage qui ne se refuse pas.

 

c_winterreise_dsc_0600

Il est des festivals dont on parle peu mais qui vont droit leur chemin avec audace et détermination. Fondé par le chef d’orchestre Julien Masmondet, « Musiques au pays de Pierre Loti », qui se tient depuis 2005 en Charente-Maritime de Rochefort-sur-Mer à l’île d’Oléron,  aime les rencontres entre musique et littérature. En mai 2016, son esprit d’aventure le conduit à ressusciter un ouvrage oublié de Reynaldo Hahn, L’Ile du rêve ; une « idylle polynésienne » créée  le 23 mars 1898 à l’Opéra-Comique sous la baguette d’André Messager. Peu de reprises, par la suite : une en 1942, à Cannes, l’autre en 2000… à Tahiti ! Autant dire presque rien.

Sept mois après sa création, le spectacle fait escale à l’Athénée, et permet aux Parisiens de découvrir une œuvre émouvante et ravissante. Hahn commence sa composition en 1891 – il n’a que dix-sept ans. Pierre Loti  est alors un écrivain à succès, et comme un large public le musicien est tombé sous le charme de ses récits. Le livret de ces trois actes, signé André Alexandre et Georges Hartmann, s’inspire d’un roman publié en 1882, Le Mariage de Loti. Une histoire d’amour qui finit mal entre un officier de marine (ce qu’était Julien Viaud, baptisé Loti par la reine Pomaré de Tahiti) et une jeune tahitienne, Mahénu. La rencontre de deux êtres qu’unit la force éphémère des sentiments, mais que trop de différences culturelle et sociales séparent.

La musique séduit par sa grâce mélodique et sa simplicité : pas d’effets superflus, d’épanchements inutiles mais des couleurs qui ont la délicatesse des pastels. Pas de grands airs ou de duos à sensation mais une trame musicale ininterrompue au lyrisme contrôlé. Comme si Hahn, sans renier les leçons de son maître Massenet, en avait retenu la substance pour la mettre au profit d’un discours plus contemporain. Faute d’avoir les moyens de disposer d’une formation symphonique, le festival a commandé à Thibault Perrine, expert en la matière, une transcription pour douze instruments qui conserve la transparence de l’original et s’adapte aux dimensions d’un écrin comme l’Athénée.

Julien Masmondet dirige avec sensibilité une partition qu’il affectionne, la justesse des tempos allant de pair chez lui avec une narration vivante et stylée. Les cinq chanteurs solistes forment une belle équipe. Ronan Debois (Taïrapa), Safir Belhoul (Tsen-Lee), Eléonore Pancrazi (Téria/ Oréman) tiennent leur emploi avec loyauté. Marion Tassou est une Mahénu au timbre brillant, face au Loti d’Enguerrand de Hys, ténor prometteur au chant facile et élégant.

Olivier Dhénin est à la fois metteur en scène et scénographe. Sans doute manque-t-il à son travail une direction d’acteurs plus ferme, débarrassée de gestes conventionnels et d’attitudes stéréotypées – se déplacer, se servir de ses bras, le tout sans gaucherie, s’apprend, de même dire un texte parlé : le théâtre a ses exigences que seuls le travail et l’expérience peuvent satisfaire, à condition d’être bien guidés.

Evitant le piège de l’exotisme à bon marché, il a conçu des décors astucieux. Des éléments mobiles colorés et transparents suffisent à cloisonner l’espace ; quelques agrandissements de photos d’époque (certaines signées du frère de Loti) situent l’action en évoquant divers lieu de l’île. Cette économie de moyens adaptée à des plateaux de différentes tailles devrait permettre au spectacle de voyager facilement. Dans leur austérité, les costumes – longues robes noires, couronnes de feuillage – apportent une touche de modernité.

Cette résurrection vient à point après le retour de Ciboulette à l’Opéra-Comique, les actes du colloque qui s’est tenu à Venise en 2011 sous l’égide du Palazzetto Bru Zane et avant la sortie de la biographie signée Philippe Blay prévue en 2017. Il serait temps que Hahn retrouve la place qui lui est due, hors des clichés qui ont trop longtemps altéré son image.

 

Michel Parouty
Titulaire d’une licence de lettres modernes, d’un Diplôme d’Etudes Supérieures de Philosophie et de deux certificats de musicologie, Michel Parouty commence sa carrière de journaliste en 1979, tant dans des revues spécialisées que dans la presse quotidienne en France (Opéra International, Diapason, Les Echos) et à l’étranger (La Tribune de Genève, le Record Geijutsu de Tokyo). Parallèlement à son activité dans la presse écrite, il travaille à la télévision (France Supervision, programme 16/9 d’Antenne 2) et à la radio (Radio classique, France Musique). Il collabore aujourd’hui régulièrement au magazine Opéra Magazine et Lionel Esparza l’invite fréquemment dans le Classic Club de France Musique. Il est par ailleurs l’auteur de plusieurs ouvrages dont La Traviata/Vivre avec Violette (Editions 1001 Nuits), Les Temples de l’opéra (avec Thierry Beauvert) et Mozart aimé des Dieux, ces deux derniers publiés dans la collection Gallimard Découvertes.

Autres articles

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire !
S'il vous plaît entrez votre nom ici