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Un opéra au croisement des cultures

Lille
Opéra
12/11/2016 -  et 13, 14 décembre 2016 (Lille), 11, 13, 14 (Dijon), 19 (Paris) mai 2017
Moneim Adwan: Kalîla wa Dimna
Ranine Chaar (Kalîla), Moneim Adwan (Dimna), Mohamed Jebali (Le Roi), Reem Talhami (La mère du Roi), Jean Chahid (Chatraba)
Yassir Bousselam (violoncelle), Selahattin Kabaci (clarinette), Abdulsamet Celikel (qanum), Wassim Hala (percussions), Zied Zouari (violon et direction)
Olivier Letellier (mise en scène), Eric Charbeau, Philippe Casaban (décors), Nathalie Prats (costumes), Sébastien Revel (lumières)


(© Patrick Berger/Artcomart)


Un spectacle atypique mais nécessaire. L’Opéra de Lille monte Kalîla wa Dimna de Moneim Adwan (né en 1970), créé cet été au festival d’Aix-en-Provence. Entendre chanter arabe dans une salle dans laquelle résonnent l’allemand, le français ou l’italien perturbe les habitudes mais fait du bien. Exécutée par un quintette, la musique, fondée sur des maqâms, s’inscrit clairement dans la tradition arabe, par sa sonorité, ses inflexions et son impulsion. Entraînante et enveloppante, elle ne tarde pas à séduire et à affirmer sa nature dramatique. Car il s’agit malgré tout d’un opéra, structuré comme tel, fidèle aux principes du genre et reposant sur un livret d’une portée telle qu’il aurait pu intéresser d’autres compositeurs établis dans le monde de la musique contemporaine.


L’ouvrage tire sa source d’un livre très ancien, Kalîla wa Dimna, attribué à Ibn al-Muqaffa’, auteur persan du VIIIe siècle qui en a puisé la matière dans des fables animalières d’origine indienne destinées à l’instruction des princes. Cet opéra d’une heure et demie sans interruption explore, sans tomber dans le piège de la naïveté, des thèmes qui trouvent un écho particulier aujourd’hui comme hier : la solitude du pouvoir, l’ambition personnelle, le pouvoir subversif de l’art, la contestation de l’autorité. Le destin de Chatraba, poète et chanteur dissident, qui constitue une menace pour le Roi, ne manque pas d’évoquer le printemps arabe, le conflit syrien, en particulier – un des librettistes, Fady Jomar, a d’ailleurs connu les geôles de Bachar el-Assad. Moneim Adwan, qui porte la double nationalité française et palestinienne, incarne lui-même Dimna, qui manigance autour du Roi. Preuve d’une volonté d’établir des passerelles entre les cultures, les parties récitées par Kalîla, la sœur de Dimna, sont en français et sous-titrées en arabe.


La sobriété et la simplicité du dispositif, aux discrètes teintes orientales, permet de monter cette production dans des salles de taille diverse, même celles qui ne se destinent pas prioritairement à l’opéra, afin qu’un large public puisse applaudir ce spectacle engagé, mais mine de rien subtil et complexe. Celui-ci s’adresse par conséquent davantage aux adultes et aux adolescents qu’aux plus jeunes, la mise en scène rendant abstraite la dimension animalière du conte. L’exécution remarquable du quintette et la prestation excellente des chanteurs attestent du soin particulier accordé à cette production digne d’intérêt et forcément impossible à détester. Parties instrumentales et vocales élaborées et d’une grande beauté, interprètes charismatiques, dramaturgie ambitieuse, malgré la modestie de la scénographie : tout cela justifie la présence de cette production dans la saison de l’Opéra de Lille, qui réaffirme de cette manière l’originalité de sa démarche.



Sébastien Foucart

 

 

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