Sébastien Guèze, bouleversant Werther à l'Opéra-Théâtre de Metz

Xl_werther © Arnaud Hussenot

Sébastien Guèze nous surprendra toujours. Son Des Grieux à Marseille en octobre 2015 avait laissé des sentiments mitigés : aussi émouvant fût-il aux côtés de la Manon de Patrizia Ciofi, il semblait par trop soucieux de faire étalage de ses dons, en ayant tendance à « pousser ses aigus (…) au détriment de la ligne de chant », comme l’avait écrit notre confrère Alain Duault dans ces colonnes. A la veille de sa prise de rôle de Werther à l’Opéra-Théâtre de Metz, nous avions donc quelques inquiétudes… que le jeune ténor ardéchois a très rapidement dissipées !  C’est en effet le meilleur Guèze que nous avons retrouvé dans la cité lorraine : facilité des aigus (émis ici avec bien plus de naturel) et urgence dans l’accent n’excluant pas des demi-teintes d’un raffinement extrême, rien ne manque au portrait vocal du héros goethien. Le personnage, quant à lui, est d’une crédibilité bouleversante, poète névrosé à moitié sorti de l’enfance, consumé de l’intérieur par un mélange détonant de passion et de soif d’absolu, caractériel certes, mais d’une vulnérabilité à laquelle Charlotte ne saurait résister. Scrupuleusement contrôlé, sans aucun effet superflu, le Lied d’Ossian est un grand moment, de même que l’air « Lorsque l’enfant revient d’un voyage avant l’heure », qui tire les larmes. Il obtient un triomphe mérité au moment des saluts.

En Charlotte, la mezzo québecoise Mireille Lebel – pour qui c’était également une prise de rôle –, fait valoir de réelles qualités d’expressivité et de timbre. On demeure pourtant globalement sur sa faim, car son chant manque d’énergie sur toute la longueur de la représentation, avec des instants parfaitement nourris, et d’autres plus passifs. Alexandre Duhamel, en revanche, investit complètement le personnage d’Albert, avec force et caractère, se posant comme un rival possible pour Werther. La voix fraîche de Léonie Renaud en fait une délicieuse Sophie, quand Christian Tréguier confirme qu’il est un Bailli sur lequel on peut compter. Les Johann et Schmidt de Julien Belle et Eric Mathurin sont bien accordés dans leur savoureux contraste, mais on leur a malheureusement supprimé leur dialogue du II. Quant aux enfants du Conservatoire de Metz Métropole, ils ouvrent et ferment le drame très joliment.

Confiée au maître des lieux, l’homme de théâtre belge Paul-Emile Fourny dont nous avons récemment chroniqué une production de Lakmé au Grand-théâtre de Tours, la mise en scène nous a séduit. Son idée de départ est de faire évoluer le héros dans une galerie de peintures avant que ce dernier ne reste interdit devant un tableau qui représente la famille du Bailli. Sous l’effet de son imagination, le tableau prend vie, Charlotte sort du cadre et c’est le coup de foudre ! Imagination et réalité se confondent alors mais l’issue sera tout aussi dramatique : après s’être donné le coup de feu fatidique, le corps de Werther roule et sors du cadre pour entrer dans la vérité la plus tragique…

L’approche musicale, en total unisson, se situe elle-même à un haut niveau. A la tête de l'Orchestre national de Lorraine, le chef américain David T. Heusel aborde l’ouvrage sans démesure, avec un lyrisme justement dramatique, mais toujours souple et précis, la musique de Massenet se parant ici de radieux atours…

Emmanuel Andrieu

Werther de Jules Massenet à l’Opéra-Théâtre de Metz (février 2017)

Crédit photographique © Arnaud Hussenot

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