Arsilda, regina di Ponto : résurrection d’un opéra méconnu de Vivaldi

- Publié le 17 mars 2017 à 17:26
Arsilda, regina di Ponto photo Jozef Barinka
C'est à Bratislava, en Slovaquie, qu'ont eu lieu les premières représentations de cette production dirigée par Vaclav Luks à la tête de son Collegium 1704. Avant une tournée qui mènera l'ouvrage à Lille, Caen, Versailles et Luxembourg.

Un concert de la Little Orchestra Society à New York, en 1998, puis une mise en scène de Davide Livermore au festival toscan de Barga, en 2002 : jusqu’ici, les deux résurrections d’Arsilda étaient restées sans lendemain. Certes, pour un imbroglio amoureux où deux jumeaux, frère et sœur supposés morts par des personnages différents, changent de sexe et de condition à la faveur d’un déguisement, on est loin de La Nuit des rois. Néanmoins, cet opéra créé en 1716 au Teatro Sant’Angelo contient des airs du plus beau Vivaldi, puissants lorsqu’ils peignent les tempêtes du cœur, profonds lorsqu’ils en trahissent la fragilité.

« Au fur et à mesure, les personnages se démasquent », résume David Radok dans sa note d’intention. Programme un peu maigre pour soutenir visuellement trois heures de rebondissements romanesques : dans un décor neutre, « camera obscura » aux parois unies, les personnages troquent vers la fin de l’acte III leurs costumes d’Ancien Régime contre des tenues actuelles. Les portes et fenêtres ne laissent entrevoir que sporadiquement les toiles de fond – très belles – du peintre Ivan Theimer, qui seules suggèrent les changements d’atmosphère, là où le livret indique un palais, des jardins, une prison, un souterrain… La direction d’acteurs, précise et efficace, n’ôte pas une sensation de redite d’une scène à l’autre – notamment lors des réactions systématiquement intriguées puis dédaigneuses, pendant les airs, des figurants.

On reprochera difficilement à un beau plateau vocal de ne pas vocaliser dans les pages brillantes comme les phénomènes du genre, aussi rares que coûteux pour ce type de production. Lucile Richardot offre une couleur fauve, une émission frémissante au dépit attendri de Lisea. Dans un registre semblable de contralto, Olivia Vermeulen atteint péniblement les graves extrêmes du rôle-titre, les voyelles ne s’ouvrant que dans l’aigu, par-dessus un médium éteint faute d’assise vocale. Si Fernando Guimaraes semble avoir momentanément perdu son timbre de miel, luttant pour trouver son souffle, Kangmin Justin Kim donne un rythme saisissant aux récitatifs, une volupté enchanteresse aux airs. Exemplaire, Lisandro Abadie assume le rôle de Cisardo jusqu’aux passages les plus mouvementés, sans perdre en densité ni en chaleur. De même, Mirinda convient parfaitement à Lenka Macikova, soprano agile et lumineuse.

Le chœur du Collegium 1704 est une pure merveille ; on voudrait l’entendre autant ici que dans les œuvres sacrées auxquelles son renom est dû. Vaclav Luks, qui l’a façonné avec génie, transcende la technique plus fragile de son orchestre dans des atmosphères raffinées, sensuelles, parfois un rien statiques. Rendez-vous désormais à Lille, Luxembourg, Caen et Versailles pour une découverte de l’œuvre en territoire francophone.

Arsilda, regina di Ponto de Vivaldi. Bratislava, Opéra national, le 9 mars.

Prochaines représentations : Opéra de Lille, les 19, 21 et 23 mai. Grand-Theâtre de Luxembourg, les 31 mai et 2 juin. Théâtre de Caen, les 13 et 15 juin. Opéra royal de Versailles, les 23 et 25 juin.

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