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Jérusalem de Verdi à l’Opéra Royal de Wallonie- Liège – Retour aux sources – compte-rendu

Commande de l’Académie Royale de Musique de Paris, Jérusalem de Verdi (en langue française) ne s’est guère imposé sur les scènes internationales depuis sa création en 1847, qui ne reçut d’ailleurs qu’un succès d’estime. Pourtant, plus qu’un remake des Lombardi alla prima Crociata (1843), cette version totalement remaniée par le compositeur possède un réel impact dramatique et laisse pressentir les chefs-d’œuvre à venir après les « années de galère ». La représentation liégeoise, digne de tous les éloges, fait un clin d’œil à l’histoire des relations entre Chrétiens et Musulmans, sujet qui demeure d’une brûlante actualité.

Le metteur en scène Stefano Mazzonis di Pralafera a cherché à respecter fidèlement texte et musique. Dans le contexte un peu formel des Croisades, il met plutôt l’accent sur la relation amoureuse (celle de Gaston et d’Hélène, fille du Comte de Toulouse), sur les états d’âme entre haine, vengeance et rédemption (Roger devenu ermite et en proie aux remords d’avoir injustement accusé Gaston d’avoir assassiné le Comte de Toulouse). Les décors de Jean-Guy Lecat insistent sur la couleur locale (colonnes mauresques, motifs rappelant l’Alhambra de Grenade) et les costumes rutilants de Fernand Ruiz n’évitent pas toujours le côté kitsch, que l’on retrouve dans la chorégraphie du long ballet du IIIe acte.

© Lorraine Wauters / ORW

A la tête de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, la jeune Speranza Scappucci sait exalter les beautés de la partition avec un vrai sens du théâtre et de la respiration dramatique, créant des climats saisissants entre fougue et poésie.
Au sein d’un plateau vocal homogène, le rôle de Gaston est magnifiquement servi par le ténor liégeois Marc Laho. Pleinement investi et avec une prononciation parfaite, il projette ses aigus sans jamais forcer et accomplit dans ses grands airs (« Je veux encore entendre », « Ô mes amis ») de remarquables prouesses vocales.
Moins à l’aise techniquement, d’un vibrato parfois accusé, Elaine Alvarez brûle les planches dans le rôle de l’amante, Hélène, mais ne peut rivaliser avec Natacha Kowalski, sa dame de compagnie, souple ligne de chant et délicatesse de ton séduisante.
La basse Roberto Scandiuzzi se montre à la hauteur de sa réputation verdienne dans le rôle de Roger. Jaloux et méchant, ermite repenti, il meurt dans la ville sainte conquise par les Chrétiens et finit par innocenter le héros avec grandeur d’âme.
Ivan Thirion, noble et profond Comte de Toulouse, Pietro Picone (Raymond), quoiqu’un peu en délicatesse avec la langue de Molière, ou Patrick Delcour en légat du Pape tiennent parfaitement leur rang.

Seconds rôles bien campés : le Soldat de Victor Cousu, le Héraut de Benoît Delvaux, L’Emir de Ramla d’Alexei Gorbatchev ou encore l’Officier de Xavier Petithan, tous quatre membres des excellents Chœurs de l’Opéra Royal (ici préparés par Pierre Iodice). En bref, spectacle réussi favorablement accueilli par le public liégeois. A noter également une heureuse initiative : aux notes de programme est jointe une étude musicologique de Paolo Isotta, « Jérusalem : Verdi et la persécution de l’honneur ». Un éclairant ouvrage (édité par l’Opéra Royal de Wallonie) qui contribue à remettre à sa juste place cette partition charnière entre Nabucco et Macbeth.
 
Michel Le Naour

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Verdi : Jérusalem - Liège, Opéra Royal de Wallonie, 23 mars 2017
 
Photo © Lorraine Wauters / Opéra Royal de Wallonie

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