Bratislava (Slovaquie)
de notre envoyée spéciale

Alors que Bratislava possède une belle salle à l’italienne (qui mériterait, certes, quelques travaux de rafraîchissement), c’est dans un auditorium moderne que le public afflue pour découvrir Arsilda, regina di Ponto. En costumes élégants et robes sophistiquées, les spectateurs attendent avec curiosité cet opéra signé Antonio Vivaldi et créé à Venise en 1716. Un ouvrage totalement oublié par la suite alors que la critique du temps lui avait promis « une grande fortune »

Le compositeur des célébrissimes Quatre Saisons écrivit en effet d’abondance pour l’Église et le théâtre, imaginant pour la voix humaine des vocalises enivrantes, comme il savait si bien le faire pour le violon, « son » instrument. Quelques heures plus tard, quand le rideau tombe, des salves d’applaudissements nourris saluent les artisans de cette « résurrection » lyrique, menée avec élan et délicatesse par le chef d’orchestre tchèque Vaclav Luks, fondateur du Collegium 1704, un ensemble jouant sur instruments d’époque. « Passion, petite et grande histoire, mélancolie et désir de vivre nourrissent cette partition formidable qui recèle des airs d’une extraordinaire beauté », s’enthousiasme le musicien.

« La mise en scène a pour mission de rendre l’intrigue palpitante »

Pourtant, la représentation d’un tel ouvrage n’est pas sans défi, souligne Patrick Foll, directeur du Théâtre de Caen, cheville ouvrière du projet. « Si la musique est splendide et pleine de contrastes, l’action, elle, semble un peu enchevêtrée et la psychologie des personnages plutôt stéréotypée. La mise en scène a donc pour mission de rendre l’intrigue vivante, palpitante, tout en respectant un code esthétique en harmonie avec le XVIIIe siècle vénitien. »

Sur le plateau, ­David Radok, en complicité avec le peintre Ivan Theimer, a réglé un ballet raffiné de teintes pastel et de mouvements fluides. Peu à peu, dans une sorte de subtil dégradé temporel, costumes et attitudes se modernisent, à mesure que les héros de ces chassés-croisés amoureux sur fond de rivalité politique sont rattrapés par leur destin.

D’une belle cohérence, la distribution parvient à couler de fortes individualités vocales (la noblesse et la fragilité d’Olivia Vermeulen incarnant le rôle-titre, le timbre de brocard de Lucile Richardot dans un rôle travesti…) au sein d’un collectif soudé. « L’équipe artistique va peaufiner encore son travail au fil de la tournée, se réjouit ­Patrick Foll. C’est tout le prix d’une telle coproduction, outre le partage des frais bien entendu : le théâtre de Bratislava a été courageux de monter un ouvrage baroque rare, alors que le public slovaque est encore peu habitué à ce répertoire. »

Il ajoute : « Mais quel professionnalisme, quel savoir-faire dans les équipes techniques de ces maisons d’Europe centrale ! À Caen en revanche, les spectateurs connaissent déjà bien Vaclav et son Collegium, depuis notre première collaboration autour de Rinaldo de Haendel, dans la merveilleuse mise en scène de Louis Moaty. » Le directeur du Théâtre de Caen est d’ailleurs « bien persuadé que l’aventure ne va pas s’arrêter là… ».

En tournée à l’Opéra de Lille (19-23 mai), au Théâtre de Luxembourg (31 mai- 2 juin), au Théâtre de Caen (13-15 juin) et à l’Opéra royal de Versailles (23-25 juin).