Adaptation du roman littéraire de Sir Walter Scott, l’opéra de Donizetti est créé en 1835, équilibrant parfaitement action scénique romantique et nécessités du bel canto. Dans la veine du livret de Salvatore Cammarano, Nicolas Joel choisit une mise en scène classique, sans pour autant renoncer au romantisme et au surnaturel contenu dans l’œuvre littéraire initiale.

Les costumes de Franca Squarciapino sont très détaillés et soignés, suivant la droite ligne historique. Les décors d’Ezio Frigerio saisissent la froideur écossaise et la monumentalité, à la fois baroque et médiévale, forgé dans la pierre. Les grandes colonnades mobiles permettent d’illustrer différents lieux intérieurs ou des vues d’extérieur (château, église, etc). Mais le décor le plus réussi est sans doute l’affleurement de roche au pied de laquelle on découvre pour la première fois Lucia, absorbée par les effluves oniriques de la fontaine qui lui offre une vision de son propre avenir. Rousse à la robe émeraude, elle apparaît en effet derrière un filtre apposé sur le tableau général, bluffant la vision du spectateur. Cette scène purement instrumentale illustre la rencontre de Lucia avec le fantôme d’une femme assassinée par un Ravenswoods. Les lumières de Vinicio Cheli, qui plus est avec le nouvel équipement du Théâtre du Capitole, parfont le tout. Pas une seule ombre au tableau donc avec, à l’arrivée, une attention, un envoûtement même, constants du public face au deux bonnes heures et demi de l’opéra.

La baguette de Maurizio Benini est évidemment impeccable, mettant parfaitement en valeur les nombreux interludes musicaux pris en compte dans la mise en scène. Les changements de décors et fins d’actes voient le Capitole renouer avec le tombé de rideau et ce de façon parfaitement synchrone. Sa volonté de maîtrise l’invite même ponctuellement à diriger certains chanteurs sur les passages les plus difficiles à mettre en place. L’excellente Nadine Koutcher, incarnant Lucia, domine largement le plateau d’un bout à l’autre de la pièce, au-delà même des seuls airs de bravoure qui lui sont réservés. L’échange du duo flûte soprane est sans doute le plus étincelant, tout autant que le rare passage sans accompagnement prévu par Donizetti alors que son personnage sombre dans une folie funeste. Mais de sa vision onirique au geste irréparable qui la mène à la mort à l’acte III, elle prend bien soin d’afficher les traits distants de Lucia par rapport au monde qui l’entoure, y compris même pour ses propres sentiments piétinés. Les applaudissements se font entendre dès ses premières interventions et se muent en une véritable déferlante lors du salut, dont elle sera bien la seule à en bénificier.

Edgardo est également éclatant sur les passages typiques du bel canto italien, mais plus pragmatique et moins expressif dans son jeu. Sergei Romanovsky séduira un peu moins que son amante. Vitaliy Bilyy, déjà vu dans cette même saison lyrique toulousaine pour la production d’Ernani, endosse le rôle, désormais habituel, du rigide et implacable frère de Lucia, Enrico. Le public découvre Maxim Kuzmin-Karavaev dans le rôle de Raimundo, diplomate et prêtre aux efforts malheureusement vains face au drame qui se joue. Son jeu comme sa voix claire et peu caverneuse se marient bien au caractère du personnage. C’est assurément une des bonnes surprises de la soirée. Marion Lebègue reste en revanche très discrète en Alisa, la partition lui conférant une réplique ni longue ni virtuose. Mais le Capitole donne l’occasion à la lauréate du concours international de chant de la ville rose de s’illustrer ce mois-ci lors d'un récital aux côtés de Christophe Larrieu. Même leçon pour Luca Lombardo en Normanno et Florin Guzga en Arturo, dont les interventions sont aussi brèves que discrètes. 

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