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Tout est perdu ? Tout est sauvé ?

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/07/2017 -  
Fromental Halévy : La Reine de Chypre
Véronique Gens (Catarina Cornaro), Sébastien Droy (Gérard de Coucy), Etienne Dupuis (Jacques de Lusignan), Christophoros Stamboglis (Andrea Cornaro), Eric Huchet (Mocenigo), Artavazd Sargsyan (Strozzi), Tomislav Lavoie (Un héraut d’armes)
Vlaams Radio Koor, Orchestre de chambre de Paris, Hervé Niquet (direction)


V. Gens (© Franck Juery/Alpha Classics)


Ouverture, aux Champs-Elysées, du cinquième Festival Bru Zane, qui cette fois sort de l’oubli La Reine de Chypre (1841) de Halévy. Pour le grand public, celui-ci se réduit aujourd’hui réduit à La Juive, d’ailleurs assez présente sur les scènes internationales depuis quelques années. Se souvient-on que Pierre Jourdan, à Compiègne, avait jadis exhumé Charles VI – et Noé, achevé par Bizet ?


Admirée de Wagner, goûtée de Berlioz, cette Reine de Chypre ressortit au grand opéra en cinq actes, qui brise les amours contre le mur de la politique. Catarina Cornaro, ainsi, doit rompre son mariage avec Gérard de Coucy : Venise exige qu’elle soit reine de Chypre. Mais celui-ci reviendra, en chevalier de Malte, pour l’aider à sauver son trône des griffes de la Sérénissime, qui pense annexer son trône en empoisonnant son mari, souverain au grand cœur. Il n’en sera rien : Catarina l’emporte, désormais reine libre.


Le livret de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges – dont la traduction servira à la Catarina Cornaro de Donizetti – se tient, avec ces rebondissements obligés dus aussi bien aux nécessités de l’intrigue qu’à la logique des caractères, alors qu’il contient parfois des vers d’une grande platitude. L’inspiration musicale, elle, ne se situe pas toujours à la hauteur de La Juive, avec un quatrième acte saturé du fracas des armes. Mais Halévy y confirme son sens du théâtre, son art des couleurs par la subtilité de l’instrumentation – au début du deuxième acte, notamment.


La soirée, hélas, est gâchée par la défection du ténor – Cyrille Dubois... lui-même succédant à Marc Laho – que Sébastien Droy remplace au pied levé, acceptant le matin de chanter le soir. S’il a sauvé la situation, s’il faut lui pardonner de n’avoir pas assumé toute sa partie et d’avoir murmuré d’une voix blanche, parfois quasi inaudible, ce qu’il en a conservé, force est de convenir qu’on ne peut concevoir une Reine de Chypre sans premier ténor – surtout pour un rôle créé par le brillant Duprez. Catarina, elle, était destinée à Rosine Stolz, un mezzo qui s’empara – avec un bonheur inégal – des rôles de Cornélie Falcon après son retrait. Telle n’est pas la tessiture, on l’a déjà écrit, de Véronique Gens, soprano lyrique clair, dont l’intimité avec le style français, la musicalité sans faille pallient en général ce défaut. Voilà donc une Catarina impeccablement chantée, d’une noblesse émouvante et passionnée, mais qui ici accuse ses limites, notamment dans le bas médium et le grave, même à supposer qu’elle adopte une version autorisée plus confortable pour elle.


Etienne Dupuis, en revanche, impressionne en Lusignan, par le mordant du timbre, l’autorité de la déclamation, la sûreté de la ligne : quel baryton ! Belle voix chaude de basse noble, Christophoros Stamboglis fait aussi un excellent Andréa, tandis qu’Eric Huchet est idéal en manipulateur pervers, qui sait aussi phraser ses Couplets – avec un chœur flamand magnifique, du début à la fin.


Jusqu’ici passionnante et bancale soirée – qui d’ailleurs, sinon le Palazzetto, nous aurait révélé ou rappelé La Reine de Chypre, dont on a rétabli l’intégralité du final du quatrième acte ? Mais plombée, plus encore que par le ténor absent, par Hervé Niquet. Le marquage des temps tient lieu de phrasé, l’éventail dynamique est pauvre, l’énergie débraillée du geste ne peut masquer la raideur mécanique d’une direction incapable de créer un climat, qui confond la pompe et le bruit – la fin est carrément impossible. Certes on ne l’a jamais connu très subtil, mais cette fois, c’en est trop. L’Orchestre de chambre de Paris a bien du mérite. Si Catarina triomphe, Halévy est défait. Gageons que l’enregistrement rendra mieux justice à cette Reine de Chypre.



Didier van Moere

 

 

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