Dernier spectacle de la saison, cette Norma portait sur ses épaules de nombreuses espérances puisque la dernière production datait de 1999. Si certes depuis Calvin on a l’habitude à Genève de ne pas jouir, cette reprise de la mise en scène de Jossi Wieler et Sergio Morabito dépasse le stade de l’épure.

De cette histoire de druidesse, d’invocation de la puissance magique du gui gaulois, la mise en scène fait table rase… Dans un pseudo décor unique, blafard, sorte de lieu de culte, le public est placé du côté de l’autel à Irminsul. Pour le symboliser, une civière, un corps recouvert… L’espace est grisâtre, sale, planté de bancs, fils électriques pendant et, de côté, la curie, un lit rabattable, une armoire, une table coulissante, les deux gamins apparaissant et disparaissant, le peuple, lui aussi livide, semble tout droit sorti de la Roumanie des époux Ceausescu : saumâtre !

A la pauvreté des décors d’Anna Viebrock, s’ajoutent les lumières lugubres de Mario Fleck ainsi que de nombreux bruits interrompant régulièrement la monotonie ambiante, sans parler de ces « coiffes pharaoniques » en coton blanc que portent certains choristes… Coiffe de nonne d’asile psychiatrique ? de fidèle de secte ?

Les chanteurs errent et déambulent dans cet espace stérile mais on peut relever le très beau son de la horde de zombies : le chœur du Grand Théâtre de Genève nous gratifie du son compact qu’on lui connaît et de qualités sonores que la mise en scène n’aura pu endommager.  

Autre bonheur, le beau son qu’offre à entendre l’Orchestre de la Suisse Romande sous la direction agile de John Fiore : son ramassé, aux aguets, bruissant de cordes acérées, auréolées de timbales royales et de flûtes brillantes ! Moins souriant fut le début orchestral du 2ème acte avec des violoncelles se cherchant. Mais globalement on aura apprécié la souplesse de l’orchestre, une balance préservée entre scène et fosse et un sens de la dramaturgie haletant sous la direction inspirante de John Fiore.

Si le périlleux et héroïque  « Me protege… Me difende » du Pollione de Rubens Pelizzari est vaillant, son ténor est souvent poussé dans les aigus et ses portati apparaissent systématiques. L’Adalgisa de Ruxandra Donose offre quant à elle une voix forte, un timbre somptueux, une projection idéale qui gratifie chacun de ses airs de belles lignes vocalement saines.

Plus délicate est la prise du rôle-titre par Alexandra Deshorties qui avait enflammé le public par une Medea genevoise de haute volée. Il en va tout autrement de cette Norma : la voix possède un beau métal, un indéniable sens du théâtre, mais son talent lyrique atteint ici ses limites avec, au dessus d’un beau haut médium fruité, des aigus poussés à la limite du cri. Le fameux « Casta Diva » la cueille fébrile, chantant à mi-voix, dans un registre qui n’est plus homogène : la vocalité est à la peine, et à fonctionner à la cravache, la voix finira par durcir et souffrir. Le « No, non tremare, o perfido ! »  fut néanmoins bien rendu dans sa rage, quant au duo « Ah, tu qui ! Va, crudele » entre Adalgisa et Pollione, il fut poignant et particulièrement savoureux, accompagné par un Orchestre de la Suisse Romande héroïque.

De cette *Norma*, on ressort un peu sonné, tant par une mise en scène aride que par un plateau assez inégal avec des seconds rôles manquant de prestance et d’incarnation. Restent le chœur et l’orchestre qui surent néanmoins tirer le spectacle vers le haut.

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