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Miroirs lyriques

Nancy
Opéra
06/06/2017 -  et 8, 11, 13, 15 juin 2017
Richard Strauss : Ariadne auf Naxos, opus 60
Volker Muthmann (Le majordome), Josef Wagner (Le maître de musique), Andrea Hill (Le compositeur), Michael König (Le ténor, Bacchus), Ju In Yoon (L’officier), Lorin Wey (Le maître à danser), Thomas Florio (Le perruquier), Andrew McTaggar (Un laquais), Amber Wagner (La primadonna), Beate Ritter (Zerbinetta), John Brancy (Arlequin), Alexander Sprague (Scaramouche), Jan Stava (Truffaldino), Christophe Berry (Brighella), Heera Bae (Naïade), Lucie Roche (Dryade), Elena Galitskaya (Echo), François Barthelemy, Patrice Massenet, Sophie Perreard, Muriel Turpin, Frédéric Varache, Léa Watrin (figurants)
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Rani Calderon (direction musicale)
David Hermann (mise en scène), Paul Zoller (décors), Michaela Barth (costumes), Fabrice Kebour (lumières)


(© Opéra national de Lorraine)


Si Richard Strauss et Hofmannsthal font depuis longtemps partie de la culture opératique des mélomanes parisiens ou de la ci-devant Alsace voisine, mettre à l’affiche Ariane à Naxos à l’affiche de la maison nancéenne constitue une relative gageure que n’a pas hésité à relever Laurent Spielmann, qui, en directeur avisé, réussit avec succès depuis plus de quinze ans à tirer parti des contraintes géographiques d’une institution en marge immédiate des grands carrefours de l’Europe culturelle, pour ouvrir le répertoire, sans négliger son public vernaculaire. En confiant la production à David Hermann, l’Opéra national de Lorraine fait appel à un talent déjà éprouvé place Stanislas, entre autres en 2012 dans une Italienne à Alger qui sera reprise en fin de saison prochaine, après une escale à Montpellier.


Dans la mise en scène du franco-allemand, le Majordome, Volker Muthmann à la diction germanique sans reproches, et aux qualités théâtrales qui se promènent jusque dans la salle, tient une place de choix dans le Prologue, où tous les préparatifs de la soirée de «l’homme le plus riche de Vienne» sont sous sa férule. Scandé par trois portes pâles, le plateau dissimule, avec un mélange de poésie habile et de littéralisme ludique, une Primadonna dans sa loge et un Ténor en peignoir, tandis que la clique d’artistes témoigne de l’exubérance vestimentaire imaginée par Michaela Barth. Dans le miroir posé au milieu du cabinet de Zerbinetta, le Compositeur se mire comme l’envers amoureux et sublime du prosaïsme féminin, avant de s’enfermer dans une chambre froide, prenant au mot son ultime réplique à son Maître de musique, «Laisse-moi mourir de faim et de froid», face aux conséquences du compromis avec l’intermède comique et sa muse.


Contrastant avec ce genre de dispositif que l’Outre-Rhin ne méconnaît guère, la seconde partie délaisse le fourmillement irrévérencieux pour une juxtaposition astucieuse et évocatrice entre la terreuse thébaïde d’Ariane, au dépouillement antique sur lequel badinent quelques naïades, et l’immobilisation de Zerbinetta et ses comparses en un tableau à la Watteau, sacrifiant quelque peu l’agitation comique généralement consacrée pour ces rôles. Au demeurant, le dispositif manie ingénieusement l’extase photographique, jusqu’aux selfies des invités devant des acteurs figés dans la cire du théâtre. Indéniablement, la lecture privilégie une scénographie spéculaire, portée par les décors de Paul Zoller, et rehaussée par les lumières de Fabrice Kebour, à l’instar de la transsubstantiation mordorée de la rencontre entre Ariane et son «nouveau dieu», Bacchus. Les effets d’échos herméneutiques ne se limitent pas au pictural, à l’exemple du signe de la main que Zerbinetta initie en complicité avec l’héroïne tragique lors de son ultime apparition en tendre et ironique contrepoint au duo d’amour – favorisant peut-être plus le texte que l’effet musical.


En Ariane, Amber Wagner domine avec une opulence vocale parfaitement maîtrisée: rondeur enveloppante, intégrité de la tessiture, puissance dramatique, l’héroïne tragique ne manque d’aucun atout, et fait rayonner la généreuse écriture straussienne. En confiant le Compositeur à la jeune Andrea Hill, on ne s’est pas laissé induire par la conception du spectacle et de sa dynamique spéculaire, qui auraient pu tirer parti des potentialités gémellaires entre les exigences du musicien et de la primadonna – ce que l’histoire de la distribution des deux rôles ne manque pas au demeurant de renseigner. Si l’ancienne pensionnaire de l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris n’ignore rien du style requis, le format, radicalement antagoniste à l’Ariane, peut frustrer certaines oreilles.


Réputé inchantable, le personnage de Bacchus est assumé avec une admirable vaillance par Michael König, sans jamais céder à une exhibition vulgaire. Beate Ritter campe une Zerbinetta pétillante, au babil mutin et épanoui. Josef Wagner affirme un Maître de musique de belle tenue, tandis que Lorin Wey et Thomas Florio réservent un Maître à danser et un Perruquier chamarrés, qui ne le cèdent en rien à la suite de Zerbinetta, Arlequin, Scaramouche, Truffaldino et Arlequin, respectivement dévolus à John Brancy, Alexander Sprague, Jan Stava et Christophe Berry. Aux côtés de l’Echo aérienne d’Elena Galitkaya, Heera Bae et Lucie Roche se complètent en Naïade et Dryade. Mentionnons encore le Laquais d’Andrew McTaggar, ainsi que l’Officier de Ju In Yoon. A la tête de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Rani Calderon préfère la densité sonore, au détriment sans doute de ce que l’on pourrait appeler la félinité de la partition, où s’accouplent le comique et le tragique, le trivial et le sublime, manquant quelque peu le génie formel de l’ouvrage qui s’entend jusque dans la fosse.



Gilles Charlassier

 

 

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