Chroniques

par katy oberlé

Aida | Aïda
opéra de Giuseppe Verdi

Festival dell'Arena di Verona / Théâtre antique, Vérone
- 5 juillet 2017
L'étrange Aida (Verdi) de La Fura dels Baus aux Arènes de Vérone
© ennevi | fondazione arena di verona

Lorsque le climat le permet et que les routes sont agréables, autant prendre le temps de profiter des belles cités italiennes, c’est mieux que d’enchaîner soirée lyrique sur soirée lyrique, sans pouvoir dire ouf entre deux articles. Plutôt que de risquer une trop forte affluence touristique à Venise, en pleine saison, sitôt finie La sonnambula [lire notre chronique du 2 juillet 2017] je roule une petite heure pour passer la soirée et la nuit à Padoue, tellement magnifique ! Lundi matin, une échappée vers le nord-ouest, via Vicence puis les lacets pittoresques qui, mine de rien mais volant fermement ferré, me mènent dans le superbe paysage de l’Alto Adige et à l’austère citadelle de Rovereto. Après un déjeuner frugal dans une délicieuse petite auberge de montagne, la voiture descend vers le lac de Garde. Encore cinq quarts d’heure à en parcourir la rive boisée et me voici posée à Toscolano-Maderno. Je m’installe pour deux jours dans un charmant hôtel Art nouveau où profiter du lac, du balcon, d’un calme farniente – et oui, j’adore l’Italie, c’est comme ça !

Elles se concluent mercredi en fin de journée, ces douces petites vacances à peine rythmées par les rumeurs orageuses venues des Dolomites : trois demi-heures de conduite pour gagner une autre chambre, au cœur de Vérone, cette fois, où l’édition 2017 du Festival dell'Arena di Verona a commencé la semaine dernière. Depuis qu’avec mes parents je découvris ici, petite fille, le monde de l’opéra dans la pierre antique, j’en rêvais. Bon, la production de Carlus Padrissa et Àlex Ollé n’est pas exactement ce qu’on attend d’une Aida dans un tel endroit, mais ne soyons pas bégueule, elle a de la gueule, tout de même !

En 2013, ce travail de La Fura dels Baus avait fait grogner, surtout après la reconstitution d’une version historique fastueuse, avec tout ce qu’il fallait d’égyptien à l’affaire, et qui n’avait pas coûté plus, en termes de budget. Dans ce lieu mythique, il peut être surprenant d’être confronté à une technologie impressionnante, dominée par deux grues gigantesques, sans savoir de quelle sorte d’usine il s’agit exactement. Cette mécanique fait de l’effet, c’est indéniable, passé le désagrément de changements de plateau mal réglés qui déconcentrent d’une action paraissant déjà, en soi, plus que lointaine – devoir se raconter l’intrigue pour essayer de saisir ce qu’on voit est un effort de chaque instant. Quoiqu’il en soit, le public vient ici pour du grand spectacle, et c’est bien ce que l’équipe catalane lui sert, à sa manière. Dans l’article de mon collègue, vous trouverez de quoi vous faire une idée juste de la mise en scène [lire notre critique du DVD]. J’ajouterai simplement que la manipulation de la structure fait beaucoup trop de bruit (décor de Roland Olbeter, lumières de Paolo Mazzon, costumes de Chu Uroz).

Julian Kovatchev est un habitué de la fosse véronaise. À la tête de l’Orchestra Arena di Verona, il soutient sagement les chanteurs, sans marquer vraiment l’interprétation. Les couleurs instrumentales ont cette couleur italienne inimitable, principalement les cordes, mais des cuivres plus sûrs ne fâcheraient personne. Attention aussi à une tendance au rubato, excessive.

Pour l’incroyable Aida de Verdi, il faut des voix. Voilà un point qui satisfait pleinement. Le Roi est parfaitement assumé par la basse bulgare Deyan Vatchkov, puissante et colorée. Avec de grands moyens vocaux, Giorgio Giuseppini campe un Ramfis imposant dont la technique impeccable devrait inspirer les plus jeunes. Le baryton russe Boris Statsenko est un Amonasro correct, sans plus. Grand souffle et timbre lumineux dans l’aigu font de Carlo Ventre un Radamès brillant, si l’on se contente d’une écoute approximative, car à dire la vérité, le ténor a de plus en plus de trous dans la voix, c’est inquiétant. Le jeune soprano Monica Zanettin resplendit dans le rôle-titre, montrant une facilité et une souplesse louables. La victoire absolue revient à l’immense Amneris de Violeta Urmana : les moyens continuent de surprendre, avec une teinte chargée qui défie la classification de la tessiture, idéale dans cette partie. La chaleur et le format, tout concourt au succès. Bien préparé par Vito Lombardi, le Chœur fait bien son travail.

Ô terra, addio… il fait un peu moins lourd lorsque la représentation s’achève. Sous la voûte étoilée, un dernier Cartizze en terrasse, et puis dodo !

KO