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Rigoletto aux Chorégies d’Orange – Au pied levé – Compte-rendu

Alors que la seconde représentation de Rigoletto va débuter, le nouveau directeur des Chorégies, Jean-Louis Grinda, annonce le remplacement au pied levé et sans répétition de Mikko Franck, souffrant, par Alain Guingal bien connu dans la Région PACA pour sa riche activité de chef lyrique. Cette situation peu banale installe d’emblée un sentiment d’urgence et une tension qui se maintiendront tout au long de la soirée, aussi bien du côté des chanteurs, des Chœurs des Opéras du Grand Avignon, de Monte-Carlo et Nice, que des musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Radio France sur la corde raide mais galvanisés par une direction tendue, volontaire et expérimentée. 

Alain Guingal © Phiippe Gromelle Orange

La mise en scène de Charles Roubaud, fin connaisseur du plateau d’Orange, vise à l’efficacité et situe l’action pendant les Années folles où tout n’est que prétexte à la fête : grands mouvements de foule, utilisation totalement maîtrisée de l’espace malgré un décor peu esthétique représentant une immense marotte à l’effigie de Rigoletto, langue pendante. Comme à l’accoutumée, les costumes imaginés par Katia Duflot sont particulièrement soignés.

© Philippe Gromelle Orange

Leo Nucci (photo), 75 printemps, déjà présent en 2011 au Théâtre antique dans le rôle-titre, impressionne toujours par son engagement. Si son timbre de baryton verdien de légende s’est légèrement émoussé, la caractérisation du personnage garde toute sa dimension dramatique et sa portée psychologique. Les états d’âme, la complexité du bouffon, ses souffrances transparaissent dans cette incarnation où l’émotion le dispute à la douleur et à la violence.
 

Nadine Sierra (Gilda) et Celso Albelo (le Duc de Mantoue) © Christian Bernateau

A son côté, l’Américaine Nadine Sierra (Gilda) séduit par le charme et la naturel de sa présence scénique, antant que par la souplesse de son instrument ; sa technique somptueuse se joue des écarts de tessiture, la ligne de chant épurée et les sons filés atteignent l’impalpable. Dans les duos entre père et fille, les protagonistes partagent un même élan et s’entendent à merveille, bissant même leur « Tutte le feste » du II face à l’enthousiasme du public.

Le Duc de Mantoue de Celso Albelo peine quelque peu à trouver ses marques et manque de charisme ; il se libère progressivement (air « La donna è mobile ») sans pouvoir s’identifier au cynisme du séducteur.
Dans les seconds rôles, la Maddalena enjôleuse de Marie-Ange Todorovitch, le Sparafucile sombre et inquiétant de Stefan Kocan, le Comte Monterone vindicatif de Wojtek Smilek, complètent avec bonheur une distribution homogène contribuant également à la réussite de ce spectacle attachant, humain et d’une fébrilité galvanisante.
 
Michel Le Naour

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Verdi : Rigoletto – Orange, Théâtre antique, 11 juillet 2017

Photo (Leo Nucci) © Christian Bernateau

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