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Le triomphe de Chostakovitch

München
Nationaltheater
07/22/2017 -  et 28 novembre, 1er, 4, 8, 11 décembre 2016, 29 octobre, 1er, 5 novembre 2017
Dimitri Chostakovitch: Lady Macbeth de Mtsensk, opus 29
Anja Kampe (Katerina Ismaïlova), Anatoli Kotscherga (Boris Ismaïlov), Sergey Shkorokhodov (Zinovyï Ismaïlov), Misha Didyk (Sergueï), Carole Wilson*/Heike Grötzinger (Aksinia), Alexander Tsymbalyuk*/Alexey Shishlyaev (Le chef de la police), Kristof Klorek (Un policier), Goran Juric (Le pope), Kevin Conners (Le paysan miteux), Dean Power (Le maître d’école), Anna Lapkovskaia (Sonietka), Christian Rieger (Un boutiquier), Milan Siljanov (L’ouvrier du moulin), Peter Lobert (Un sergent), Oleg Davydov*/Igor Tsarkov (Le portier), Alexey Shishlyaev*/Alexander Tsymbalyuk (Un vieux bagnard), Selene Zanetti (Une détenue)
Chor der Bayerischen Staatsoper, Sören Eckhoff (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Kirill Petrenko*/Oksana Lyniv (direction musicale)
Harry Kupfer (mise en scène), Hans Schavernoch (décors), Yan Tax (costumes), Thomas Reimer (vidéo), Jürgen Hoffman (lumières), Malte Krasting (dramaturgie)


A. Kampe, A. Kotscherga (© Wilfried Hösl)


Les mélomanes connaissent bien la période du festival où l’Opéra de Munich reprend la quasi-totalité des productions de sa saison (comme La Femme sans ombre ou Tannhäuser). Plus le mois de juillet avance, plus le public devient international et la soirée d’hier permettait d’entendre en plus de l’allemand bavarois, des Italiens, Russes et de nombreuses variations de l’anglais (mais peu de Français), signe que la réputation d’excellence dont bénéficie le Bayerische Staatsoper ne se dément pas au fil des années, ce que confirme cette soirée d’une qualité dramatique exceptionnelle.


Comme pour ses Maîtres Chanteurs zurichois en 2012, le vétéran Harry Kupfer déplace lieu et dates de l’opéra. Nous ne sommes pas dans une Russie de propriétaires terriens mais dans les hangars d’une usine sale, moderne et glauque. Dans la seconde partie, au lieu de s’éclairer, le ciel reste d’un gris de plomb qui n’est pas sans évoquer le décor que Jean-Pierre Ponnelle, en son temps, avait conçu pour le troisième acte de son Tristan à Bayreuth.


Dans ce décor profondément oppressant et étouffant, Katerina est dépeinte comme un personnage tragique plus victime de sa condition de femme et de ses passions que profondément machiavélique. Sa chambre devient un sanctuaire – refuge illusoire que fait monter ou descendre le personnage du fou dont on rappelle que c’est lui qui dénonce le couple Katerina/Sergueï à la police. Kupfer déploie toute une série de trouvailles théâtrales pour caractériser les personnages et la musique, que ce soit la lâcheté de Zinovyï devant son père ou la veulerie de Sergueï. L’apparition au deuxième acte de la scène des truculents policiers tout droits issus de la tradition des Keystone Cops est « cinématographique ». La scène finale est d’une désolation sinistre.


Inspirés par cette production, les chanteurs sont d’un niveau rare. Munich peut se vanter de bénéficier d’une excellente troupe de Haus-Singern, du Pope de Goran Juric, de l’excellent Alexander Tsymbalyuk en chef de la police, de Kevin Conners en ténor de caractère dans le rôle du fou... Misha Didyk est un Sergueï à l’émission claire. Le vétéran Anatoli Kotscherga n’a plus les notes qu’il avait du temps d’un autre célèbre Boris du répertoire russe qu’il avait en son temps chanté avec Claudio Abbado à Salzbourg. Mais l’intelligence du texte et sa capacité d’acteur restent intacts. Seul bémol : lorsque son fantôme apparaît, pourquoi l’avoir fait chanter en arrière-scène de façon amplifiée, cela gâche un peu le caractère de la scène.


La grande triomphatrice de la soirée est Anja Kampe qui nous donne une Katerina hallucinante, habitée et dramatique. Le personnage a une intensité et une variété rare. Les aigus de la soprano sont splendides, colorés d’une grande sûreté et elle chante réellement alors que nombre de ses collègues forcent dans ce rôle.


Même s’il y a à Munich des formations d’exception, l’Orchestre de l’Opéra d’Etat de bavière nous montre que dans ses meilleurs jours, c’est le meilleur de la ville : rondeur et puissance des cuivres sans que ceux-ci saturent le son, qualité des bois pour lesquels Chostakovitch sait écrire avec tant de finesse, chaleur des cordes et en particulier profondeur des contrebasses. A sa tête, Kirill Petrenko est à nouveau éblouissant, d’une présence constante et très attentif à ses chanteurs à qui il donne tous les départs. C’est dans de telles conditions que ceux-ci peuvent se libérer pour donner une expression approfondie de leurs parties. Sa lecture dramatique est en parfaite harmonie avec la conception de son metteur en scène.


Avec de tels artistes, le grand triomphateur de la soirée n’est-il pas le compositeur lui-même ? Cet opéra, dont on sait qu’il lui attira les foudres de Staline et eut pour lui des conséquences dramatiques, s’impose aujourd’hui dans le monde entier comme un des plus grands chefs-d’œuvre de son temps d’une richesse, d’une justesse psychologique et d’une force théâtrale sans précédent.



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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