Chroniques

par hervé könig

Y tŵr | La tour
opéra de Guto Puw

Buxton Festival / Opera House
- 17 juillet 2017
au Buxton Festival, découverte d'Y tŵr, opéra gallois de Guto Puw
© clive barda | music theater wales

Après y avoir vu Der goldene Drache de Péter Eötvös dans une nouvelle production du Music Theater Wales, retrouvons le très actif Buxton Festival qui, cette année encore, accueille un spectacle de cette compagnie [lire notre chronique du 18 juillet 2016]. À la fin du mois de mai, celle-ci présentait à Cardiff, son port d’attache, Y tŵr, opéra de chambre de Guto Puw. Le compositeur (né en 1971), qui aime à combiner les sonorités par des instrumentariums souvent inventifs, affirme volontiers son identité galloise dans des œuvres inspirées de la littérature nationale, jusqu’à choisir parfois des titres en langue originale plutôt qu’en anglais – c’est le cas de celle d’aujourd’hui, Y tŵr, titre traduit par The Tower (la représentation est sur-titrée en anglais), « tŵr » se prononçant tour, comme en français. Ce n’est pas le premier ouvrage lyrique de Puw dont, en 2009, Hadau, avec son livret en dialecte d’un village du Carneddau (chaîne montagneuse du nord) puisait dans la tradition ancestrale puissante de sa terre natale.

Y tŵr est une pièce de théâtre de Gwenlyn Parry, auteur gallois majeur, dont la première eut lieu en 1978, à partir de laquelle la poétesse et comédienne Gwyneth Glyn a écrit le livret de l’opéra. En trois actes, nous suivons la vie d’un couple. La rencontre des adolescents occupe le premier acte. Ils sont dans la montagne, la jeune fille est presque jalouse de la passion du garçon pour les grosses cylindrées Suzuki ! Mais l’amour l’emporte, c’est le début d’une longue histoire à deux. Avec l’Acte II arrivent les désillusions de la maturité. L’homme – les personnages n’ont pas de noms – est remercié par son patron qui le remplace par un jeune loup ambitieux et sans scrupules. La femme entretient une liaison extraconjugale. Leur fils, adulte, vient de les quitter pour vivre sa vie. Le dernier acte est celui de la vieillesse et de la mort. Le couple est cruellement délaissé par le fils qui ne leur rend même plus visite à Noël. Maîtrisant de moins en moins bien ses gestes, elle tremblote, elle a mal partout. Lui confond les souvenirs, sa mémoire mélange tout, quand surgissent bientôt les prémisses de la démence du vieillard.

La tour ?...
Cet ordre des choses, le travail du temps qui peu à peu dégrade chacun. Par un médicament volontairement surdosé, la vieille amoureuse met un terme à l’indignité croissante. Le couple parle un verbe de tous les jours, contemporain et sans emphase littéraire. C’est à la partition qu’il revient d’explorer et d’exprimer leur vie intérieure, de même que le symbolisme de la tour, métaphore d’une ascension : tandis que le temps épuise la vie, les êtres s’élèvent vers l’au-delà. Ici se conclut, ce soir, la tournée de l’équipe du Music Theatre Wales, après Aberystwyth, Bangor, Swansea, etc. Richard Baker dirige une fosse d’une douzaine de musiciens dans une œuvre contrastée en sensible, fort stimulante pour l’imagination de l’auditeur.

Le mezzo-soprano Caryl Hughes et le baryton Gwion Thomas incarnent le couple, chantant près de deux heures sans montrer la moindre fatigue. On est étonné de la facilité de ces artistes à passer les âges avec une crédibilité parfaite, sauf peut-être à jouer l’ardent jeune homme, dans le premier acte. Ils sont mis en scène par Michael McCarthy qui construit la relation comme au scalpel dans la scénographie de Samal Blak. De tour, l’on ne verra pas : elle est stylisée par une échelle qui se scinde au moment du dernier voyage. Au fil du spectacle, tandis que les protagonistes superposent le maquillage pour simuler le ravage du temps (à vue), le plateau se dénude et invite à méditer à la vanité de notre existence matérielle. Une belle part de la réussite de l’expérience provient de la lumière délicate d’Ace McCarron.

On sort du charmant opéra de Buxton (construit en 1903 par Frank Matcham) dans un curieux état qui marie la sérénité et l’amertume, en tout cas bien content d’avoir découvert ce nouvel opus d’un compositeur à suivre.

HK