« Le plus grand festival d’opéra à ciel ouvert » : tel est décrit le Festival des Arènes de Vérone. Imaginez une arène romaine. Imaginez 22 000 spectateurs en son sein qui n’attendent que de vibrer au son des plus grands compositeurs italiens. Levez enfin les yeux et imaginez n’apercevoir pour seul horizon qu’un ciel étoilé aussi vaste que la circonférence du cercle formé par les arènes. Tel est le cadre de ce si singulier festival qui accueillait ce soir, la dernière représentation de Rigoletto de Verdi de son édition 2017. Se rendre audible par 22 000 spectateurs sans amplification, tel en est surtout le défi !

Si Vérone constitue un défi pour la voix, la scène n’est pas en reste et occuper l’immense plateau ainsi que les gradins de pierre en arrière scène n’est pas non plus une mince affaire. Côté scénique, le Festival met ce soir les petits plats dans les grands avec une production signée Ivo Guerra, certes ultra conventionnelle, mais non moins impressionnante de part la richesse et l’opulence des décors présentés sur le plateau. Le spectateur est ainsi immédiatement plongé dans la cité de Mantoue au milieu des maisons en briques rouges caractéristiques. Décors en toiles peintes représentant l’une des fresques du Palazzo Te peinte par Giulio Romano, fontaines, ruisseau, roseaux, maisonnettes… rien ne manque à cette reconstitution minutieuse. Bien que le résultat ne permette pas une stimulation originale de l’esprit du spectateur, il offre tout du moins un cadre parfaitement lisible et cohérent au drame. Alors que les décors sont si soignés il apparait encore plus dommageable que leur éclairage n’ait pas été traité avec le même soin. Également, les costumes poussiéreux manquent du faste que l’on pourrait être en mesure d’attendre de la Cour du Duc de Mantoue.

Côté musique, la distribution est indubitablement dominée par le vétéran Leo Nucci : Rigoletto historique et jusqu’au bout des ongles ! Alors que sa prestation à Orange, il y a quelques semaines, nous avait laissé sur notre faim, nous retrouvons ici ce mémorable bouffon qu’il a présenté sur les plus grandes scènes du monde. Et pour cause, Leo Nucci est capable comme personne d’autre de faire vivre ce personnage. On ne se lasse pas de son soin méticuleux porté à l’intelligibilité du texte ni de cette si singulière couleur tranchante dans la voix. Si le vibrato a perdu en stabilité et bien que certains aigus soient, parfois trop souvent, appréhendés « par dessous » ; l’ensemble de la composition est toujours aussi intéressant et crédible. Pour preuve, son « Pari siamo » est sublime de noirceur et totalement imprégné de rancœur. Également, toujours au I, les phrases « non parlare al misero del suo perduto bene » sont particulièrement poignantes. Malheureusement le reste de la proposition musicale s’avère décevant. Gilda chanté par Jessica Nuccio est simplement correcte : bien trop lisse et sage pour marquer les esprits. Le Duc de Gianluca Terranova est quant à lui plus désarmant : il manque de panache et les aigus et vibrato sont douloureux. Andrea Mastroni campe un Sparafucile de bonne tenue et offre avec Anna Malavasi (Maddalena) un beau duo de meurtriers.

Difficile enfin de juger de la prestation de l’orchestre des Arènes de Vérone quand seuls les cuivres (pas toujours en rythme) étaient audibles depuis les places attribuées. Cependant, de gros problèmes de mise en place rythmique se sont fait entendre, particulièrement en début de soirée. Le chœur des Arènes est honorable et porte un soin intéressant aux accents et consonnes du texte.

En définitive, un Rigoletto musicalement beaucoup trop approximatif et hétérogène. Le sublime bouffon de Verdi ainsi que la réputation du Festival italien méritaient bien un niveau d’interprétation supérieur. 

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