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Joyeuse rentrée avec la Veuve à l'Opéra Bastille

La Veuve joyeuse, avec Susan Graham, mise en scène par Jorge Lavelli en 2011-2012. Marjolaine Rouzeau - Opéra national de Paris

CRITIQUE - La Veuve joyeuse, le chef-d'œuvre de Franz Lehar revient à l'Opéra Bastille jusqu'au 21 octobre, dans la belle production de Jorge Lavelli.

Ah, l'Europe selon Franz Lehar! Un tourbillon futile, une diplomatie de boudoir, une géopolitique sur canapés! À croire qu'en 1905 les crises internationales se réglaient à coup de champagne. Lorsque l'État de Pontevedro est au bord de la banqueroute, une seule solution pour renflouer ses caisses: que l'un de ses dignitaires épouse une veuve riche à millions ; ainsi des sommes colossales pourront venir regarnir le Trésor national.

L'équation est simple, si ce n'est que les épousés putatifs sont d'anciens amants qui n'ont aucune envie de «remettre le couvert». Ajoutons à cela des chassés-croisés amoureux, des portes qui claquent, un vaudeville bâti au cordeau, et vous obtenez l'apothéose de l'opérette viennoise.

Nous sommes à l'aube du premier grand conflit mondial et cette insouciance, cette nonchalance issue du XIXe siècle montrent bien l'esprit d'une ère finissante. Quant à ce Pontevedro, il est le double du Monténégro, un pays de ces Balkans qui seront précisément la cause de la plongée dans la guerre, neuf ans plus tard.

Hors du temps

N'allons pas voir dans La Veuve joyeuse une œuvre prophétique, mais ici fleure une sorte de paradis perdu un rien pourrissant qui possède le charme vénéneux des créations décadentes. Lehar, dont c'était ici le premier coup de maître, resta jusqu'à sa mort, en 1948, le vétéran de ce genre musical si particulier, conservant malgré les aléas de l'histoire son aura de musicien bonhomme, affranchi des modes, parfaitement hors du temps.

Et sa Veuve joyeuse reste un modèle du genre, avec ses «tubes» incontournables tels que «Heure exquise» ou la «Chanson de Vilja» (dans la version française).

La production de Jorge Lavelli avait fait les beaux soirs du Palais Garnier sous le règne d'Hugues Gall, voici vingt ans. Un spectacle racé, élégant, qui devait beaucoup à l'abattage et à la sensualité de Karita Mattila, laquelle faisait de l'héroïne une sorte de beauté fatale, à la fois hitchcockienne et canaille.

Repris en 2011, ce spectacle permit de découvrir la Veuve sous les traits de Susan Graham, qui n'avait (tant s'en faut) pas les mêmes appâts, mais une élégance vocale et un «swing» très américain.

Nous découvrons aujourd'hui une Veuve française, en la présence de Véronique Gens. Beauté hautaine et tragédienne née, elle devrait donner à Hanna Glawari une dimension plus sombre, plus torturée, en face du Prince Danilo de Thomas Hampson. Rompu aussi bien au grand opéra qu'à la comédie musicale yankee, le baryton américain devrait être un Danilo de haute volée.

Voici donc une Veuve joyeuse qu'on espère «bien-chantante», en regrettant toutefois qu'elle soit programmée dans l'immense salle de la Bastille, qui n'a rien d'un écrin raffiné pour une opérette viennoise. Mais La Veuve remplit les salles…

«La Veuve joyeuse», Opéra Bastille, Place de la Bastille (XIe). Tél.: 08 92 89 90 90. Horaire: 19 h 30. Du 9 sept. au 21 oct. 2017. Places: de 5 à 180 €.

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