Deuxième soirée du triptyque de Figaro, Le Nozze di Figaro débarque à l'Opéra de Genève avec une troupe de chanteurs très homogène, une mise en scène sensible et un Orchestre de la Suisse Romande à la forme olympique. « De toute les choses sérieuses, le mariage est certainement la plus bouffonne » (Le Mariage de Figaro, acte I, scène 9). Illustration en acte.

La mise en scène de Tobias Richter a le bonheur de rendre l’action limpide sans excès d’extrapolation. Si on peut regretter un décor parfois peu plaisant à l’œil (ce lit !), on est conquis par l’intelligence de la réalisation qui souligne avec délicatesse les sentiments de chacun, ces deux couples, les maîtres et les valets, la malice des femmes, leurs emportements, les pulsions des hommes, la quasi brutalité du Comte, la Comtesse, telle une Maréchale des temps anciens, envoûtée par la jeunesse.

Magnifique de timbre, on reste sous le charme du Figaro de Guido Loconsolo, sa verve naturelle, sa vocalité superlative : voix chaude, ambitus vocal royal, aisance scénique... Son « Se vuol ballare » témoigne d’une voix saine et suave. Plus en force vocalement, Ildebrando d’Arcangelo campe un Comte Almaviva puissant et animalement inquiétant. Et si la Suzanna de Régula Mühlemann paraît un peu terne en début d’opéra, certainement un peu faible dans les ensembles compte tenu des moyens vocaux de ses collègues, elle se révèle une bien piquante soubrette par la suite.

Le Cherubino d’Avery Amereau donne à entendre un mezzo souple, au texte parfois à la peine mais qui a néanmoins offert un « non so piu cosa son, cosa faccio» pléthorique de sentiments et de rondeur. Monica Bacelli brille dans le rôle de Marcellina : haute tenue et jeu jouissif, sans caricature, la mezzo est visiblement ravie d’entonner son « il capro e la capretta » en sirotant une coupe de champagne au milieu du public et flirtant avec le chef.

Vraie star de la soirée, la Contessa royale de Nicole Cabell irradie la scène : son timbre chaud, son jeu sans ostentation, son texte clair et bien exposé en font une comtesse pléthorique. Son « Porgi amor » laisse d’abord craindre le pire tant il est pris lentement. Mais sans soucis apparent, le souffle long, son chant est un délice de timbre et de phrasé : le tout extraordinairement suspendu, elle exprime vocalement la complexité du personnage à merveille, relayée par des cordes suaves, des vents aux phrasés de velours et particulièrement le basson de Céleste Marie-Roy merveilleusement ombré.

Tout au long de la soirée, Marko Letonja révèle de très belles couleurs mozartiennes servies par les très beaux vents de l’orchestre. Le tout est vivant, palpitant : le fragile miracle mozartien à l’œuvre ! Les ensembles sont fantastiques et l’Orchestre de la Suisse Romande brille dans le finale « Voi, Signor, Che giusto siete » de l’acte 2, sans parler de la conclusion de l’acte 4 qui porte l’émotion à son comble avant le feu d’artifice conclusif qui finit de réjouir les cœurs.

De ces deux premières soirées de la trilogie Figaro, on retiendra un plateau de solistes très homogène sur les Noces, et bien des lacunes sur le Barbier de Séville qui s’embourba dans bien des écueils. Néanmoins les deux soirées virent briller un Orchestre de la Suisse Romande en grande forme et des barytons vocalement et scéniquement royaux. Il ne restera plus qu’à découvrir le Figaro gets a Divorce d’Elena Langer qui viendra clore cette triologie proposée par le Grand Théâtre de Genève. 

****1