Critique – Opéra-Musique

La Veuve Joyeuse de Franz Lehár

Toujours joyeuse et toujours un peu perdue dans un trop vaste palais

La Veuve Joyeuse de Franz Lehár

Elle a vingt d’âge, elle a pris quelques ridules. De fait, depuis sa création en 1997 sous la signature du metteur en scène Jorge Lavelli, et lors de sa reprise en 2012, elle s’est toujours sentie mal à l’aise dans l’espace gigantesque de l’Opéra Bastille. Ce qui à l’époque semblait novateur – donner du poids, du sérieux à une œuvre légère – a aujourd’hui les allures d’un classicisme pesant.

Les immenses panneaux du décor posés en arc de cercle en fond de scène s’ouvrent toujours sur cet espace disproportionné qui oblige les personnages - et ceux qui les interprètent - à parcourir d’inutiles distances, à s’exprimer loin l’un de l’autre et du public. Le parquet est toujours aussi resplendissant et malheureusement toujours aussi peu visible des rangs d’orchestre.

Que ce délicieux vaudeville musical dont on fredonne les airs dès qu’on les a entendus ait été conçu pour la surface d’un théâtre traditionnel, comme celui de l’Opéra Comique ou du Palais Garnier est évident dès les premières mesures de cette musique composée par Franz Lehár en valses tourbillonnantes. On y danse, on y chante, on y parle beaucoup en dialogues de comédie sans prétention littéraire. Leur version originale telle qu’elle a été conservée ne s’impose guère surtout alourdie d’accents divers. Elle aurait plus de punch et de naturel traduite en français. Certains, comme Véronique Gens, s’y livrent de temps en temps en clin d’œil, pour ainsi dire spontanément.

Véronique Gens justement, en Hanna Glawari, la veuve milliardaire aborde un répertoire qui lui est peu familier. Elle s’y confronte avec classe même si elle n’a pas le vrai panache canaille chic du personnage. La voix est belle, ronde jusque dans les aigus, mais elle se perd souvent dans l’étendue du plateau. Tous les premiers rôles subissent le même sort. Le medium de l’excellent Thomas Hampson se dilue en errance quand il doit chanter depuis le fond du plateau. La délicieuse Valentina Naforniţa a la chance de se trouver le plus souvent sur l’avant-scène pour faire résonner la grâce charnue de son timbre de soprano.

A la tête de l’orchestre maison qu’il dirige en alternance, Marius Stieghorst ne réussit pas toujours à en endiguer les volumes qui, souvent, couvrent les voix.
Si les chanteurs dans l’ensemble pâtissent avant tout des dimensions du plateau, les danseurs en revanche y trouvent une plateforme idéale. Avec son soliste, plus souple qu’un élastique, le cancan endiablé du final et ses frous-frous irrésistibles en deviennent jubilatoires. Grâce à lui, cette veuve s’achève vraiment exquise. Et joyeuse.

La veuve joyeuse, musique de Franz Lehár, livret de Victor Léon et Léo Stein d’après Henri Meilhac. Orchestre et chœur de l’>Opéra National de Paris, direction Marius Stieghorst (en alternance avec Jakub Hrûša), mise en scène Jorge Lavelli, décors Antonio Lagarto, costumes Francesco Zito, lumières Dominique Bruguière. Avec Véronique Gens, Valentina Naforniţa, Thomas Hampson, Franck Leguérinel, Stephen Costello, Alexandre Duhamel, Karl-Michael Ebner, Peter Bording, Anja Schlosser…..

Opéra Bastille
Les 9,12,14,16,20,22,28,30 septembre,5,9,11,18 & 21 octobre à 19h30, les 24 septembre et 15 octobre à14h30

08 92 89 90 90 - +33 1 71 25 24 23 – www.operadeparis.fr

Photos Opéra national de Paris

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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