Angers Nantes Opéra : Le Couronnement de Poppée sous la coupe de l’omnipotent Moshe Leiser

- Publié le 21 octobre 2017 à 18:58
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Pour ce Couronnement de Poppée qui conclut sa collaboration avec Angers Nantes Opéra, Moshe Leiser signe à la fois la mise en scène et la direction musicale. Le chef-d'œuvre de Monteverdi n'y gagne pas en subtilité.

Moshe Leiser a-t-il peur qu’on l’oublie ? À l’occasion de cette Poppée, dernière production de sa longue série chez Angers Nantes Opéra, le Flamand s’affiche. À la mise en scène bien sûr, en tandem avec l’inséparable Patrice Caurier ; mais aussi à la direction musicale, partagée avec Gianluca Capuano. Deux chefs côte à côte dans une même fosse, vous n’y croyiez pas ? Ils l’ont fait ! Quatre bras pour les mêmes départs, les mêmes ritournelles et… dix musiciens. Un peu d’humour absurde ne fait pas de mal, surtout quand les gestes se contredisent, ou quand Leiser fait des moulinets pour guider Capuano alors assis à son clavecin, qui accompagne seul un récitatif.

Dans sa fièvre directrice, le metteur en scène fait ainsi l’erreur du chef débutant : contrôlant pour exister, il oublie d’écouter. Son geste fige le discours dans une articulation sans vie, et empêche l’évidence du verbe et de l’affect – qu’il recherche par ailleurs. D’autant que le plateau n’est pas des plus naturels pour cette musique. On voit mal aujourd’hui l’intérêt de transposer le rôle de Néron pour un ténor – Elmar Gilbertsson, excellent par ailleurs – à l’italien peu déclamatoire, ou celui d’Ottone pour un baryton – Renato Dolcini – à l’aigu timide.

La tessiture n’est pas évidente non plus pour Chiara Skerath, Poppée sensuelle de ton mais non de timbre, dont le médium montre peu de chair. Ni pour Rinat Shaham, dont l’émission s’accorde mal à l’étendue d’Octavie. Peter Kalman chante un Sénèque au grave ample mais peu tranchant dans ses admonestations. Le meilleur vient des nourrices. Eric Vignau campe une Arnalta en verve avec ce qu’il faut de sérieux, abordant certains aigus dans un fausset habile. Libre, juste, drôle et touchant à la fois, Dominique Visse présente la plus belle interprétation de la soirée, hélas dans le rôle mineur de la Nutrice, et sans que la fosse respire avec lui.

Et sur scène ? Pas grand chose à signaler : sur fond de peintures murales laides ou de photos publicitaires – quelques intérieurs et un panorama urbain -, une direction schématique. Néron est pénétré par Lucain avant de l’égorger, Octavie chante son lamento d’adieu devant un micro puis saute par-dessus le balcon. Les cadavres reparaissent pendant le duo final, tandis que l’hémoglobine ruisselle sur la toile de fond. Au sol, une grande tache rouge illustre dès le début le sang que versera Sénèque, à côté d’une jaune qui peut évoquer une autre humeur, peut-être répandue à la scène suivante par Néron et Lucain. Deux chefs, deux metteurs en scène : tout ça pour ça ?

Le Couronnement de Poppée de Monteverdi. Nantes, Théâtre Graslin, le 13 octobre.

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