Chroniques

par irma foletti

Don Carlo
opéra de Giuseppe Verdi

Palau de les arts Reina Sofía, Valence
- 12 décembre 2017
à Valence (Espagne), reprise du Don Carlo (Verdi) de Marco Arturo Marelli
© miguel lorenzo

C'est d'abord le nom de Plácido Domingo qui, dans la distribution, justifiait le voyage à Valence. Au bilan, on assiste à une représentation qui se tient, sans rien d'exceptionnel, mise à part la présence du chanteur espagnol. Passée une curieuse première sensation à son entrée en scène, où ce soir Posa est véritablement un vieil ami de Carlo, la performance de Domingo – qui fêtera soixante-dix-sept ans au mois de janvier ! – est absolument remarquable. Les registres médium et aigu sont souverains, le grave un peu discret, et quelques mots sont oubliés ou mangés. Les interventions (plutôt envahissantes) du souffleur sont justement prévues pour palier tout éventuel problème pendant la scène de la prison. Mais, au delà de l'aspect vocal, sa présence et son jeu sont d'une crédibilité totale, le sommet étant évidemment atteint pour la mort. Domingo sait mourir en scène... d'ailleurs combien de fois est-il mort dans son immense carrière – en Cavaradossi, Samson, Tristan et tous les autres ?

À ses côtés, Andrea Carè, distribué dans le rôle-titre, est un ténor vaillant tout du long, timbre concentré et couleur agréable [lire notre chronique du 26 juillet 2016], prenant cependant de nombreuses attaques par-dessous et paraissant par moments pousser la note au delà de ses capacités naturelles, parfois sans nécessité. En Filippo II, Alexander Vinogradov est une basse autoritaire, d'un creux impressionnant dans le grave, mais au style et à l’élocution beaucoup plus slaves qu'idiomatiquement italiens, plus proche de Boris Godounov avec quelques sons fixes [lire nos chroniques du 10 décembre 2016, du 6 février 2015 et du 22 avril 2014]. Le Grand Inquisiteur de Marco Spotti se montre très convaincant, aussi bien vocalement que visuellement : terrifiant tout de gris vêtu et crucifix dans une main et canne dans l'autre [lire notre chronique du 26 avril 2017]. Rubén Amoretti (Moine) remplit aussi très dignement son office [lire nos chroniques du 30 septembre 2005, du 19 avril 2009 et du 4 juin 2017], ce qui n'est pas le cas des six députés flamands, en manque de cohésion et peu harmonieux dans l'ensemble qu'ils composent.

Côté féminin, c'est Violeta Urmana qui emporte les suffrages. Son Eboli allie puissance et musicalité. La projection n'est sans doute plus aussi véhémente qu’il y a quelques années, que ce soit d’ailleurs en tessiture de mezzo ou de soprano, mais la chanteuse est totalement engagée, culminant dans O don fatal, grand air où les aigus passent avec force. L’Elisabetta de Maria Katzarava ne provoque pas le même enthousiasme [lire nos chroniques du 30 septembre 2017 et du 6 août 2016]. Certes, elle chante les notes, quoique dans Tu che le vanità son aigu soit attrapé à l’arraché. Elle fait entendre de vilains sons dans le registre grave, la voix est le plus souvent trop large, les plus beaux passages étant quatre ou cinq notes émises en mezza voce – trop rares !

Si l’Orquestra de la Comunitat Valenciana est techniquement sans reproche, en particulier les impeccables cors seuls, Ramón Tebar ne se montre pas à la hauteur de l’enjeu. Ses choix de tempi particulièrement lents diluent rapidement l’influx et le drame sur le plateau, et les forte amènent une lourdeur qui s’installe – par exemple, les mesures fort hachées ôtent ampleur et majesté à la scène de l’autodafé. Et puis une option incompréhensible et indéfendable, la suppression des dernières mesures de la Chanson du voile… il n’est pas possible qu’un chef d’orchestre souscrive à un tel choix !

La production de Marco Arturo Marelli arrive de la Deutsche Oper de Berlin où elle est régulièrement présentée depuis 2011. Le dispositif scénique consiste en un cube aux parois grises enveloppant l’espace, avec des fentes en croix sur chacune de ses faces. Les éléments se déplacent, pivotent, mais le plateau reste dépouillé, très bien éclairé toutefois. Le chœur est placé à mi-hauteur pendant l’autodafé : ce soir, la Voix du ciel est une femme avec un bébé dans les bras, Don Carlo tout sourire faisant risettes à l’enfant, ceci alors qu’en fond de scène l’on brûle trois hommes attachés sur des poteaux entourés de livres… Dans cette version en quatre actes, le spectateur a intérêt à connaître l’œuvre pour pouvoir situer l’action : pas un petit feuillage dans les jardins du deuxième acte, et Carlo assis au creux d’un élément ouvert comme un livre pour figurer la prison du III.

IF