Soirée opérette au Théâtre des Nations avec au menu un Strauss à la sauce hongroise : Le Baron Tzigane, dans une mise en scène de Christian Räth et les décors et costumes de Leslie Travers, le tout sous l’impulsion musicale du maestro Stefan Blunier.

D’emblée nous sommes charmés par la musique vive de Strauss, agrémentée d’une clarinette, d’une flûte et d’un hautbois colorés qui nous emportent dans une belle évocation musicale de ce monde tzigane par le roi de la valse. La pièce, qui connut un succès retentissant lors de sa création, est donnée ici en version française pour nous la rendre plus atteignable, avec peu de dialogues parlés et un flot musical continu du plus bel effet. L’Orchestre de la Suisse Romande offre de très beaux moments d’une grande cohésion, avec des tempi allants, des vents superlatifs et notamment un très beau pupitre de cors et en général une belle fluidité sous la direction attentive et virevoltante de Stefan Blunier.

Alors que le fil conducteur de ce Baron Tzigane est d’emblée imposé par cet immense jeu de société au plateau incliné vers la salle, d’énormes cartes de jeu se font rempart ou cabane, sur fond de litige entre Sandor Barinkay spolié de ses terres par Kalman Zsupan, roi de la cochonnaille. Celui-ci propose d’offrir sa fille Arsena en mariage pour calmer l’exilé, mais cette dernière aime Ottokar ; Sandor quant à lui tombe amoureux de Saffi, fille de Czipra… La jeune Arsena s’en sort en proclamant à Sandor qu’elle ne l’épousera que s’il devient baron ! Le reste ne sera plus que valses, mazurkas, polkas et czardas…   

Si cette évocation persistante du monde du cochon amuse avec cette famille qui déambule de cases en cases au début de l’opéra, le dispositif s’essouffle assez vite… L’humour est surligné, tout autant que la direction d’acteur, entre l’esquisse d’une macarena, la bande de loubards en cuirs et clous peu crédibles et autres procédés un npeu creux... Contrairement à son habitude le choeur, foule bigarrée, tantôt bruyants villageois, tantôt bande de bikers s’adonnant à un Haka viril, offre un son un peu terne, avec un texte à la peine… 

Côté solistes, la Czipra en vieille fourrure mitée de Marie-Ange Todorovitch offre une voix plus que vibrante mais dont on aura apprécié le timbre chaud et qui semble prendre plaisir à surligner ce que le metteur en scène a proposé. Saluons le Zsupan de Sergio Raonic Lukovic, à la voix ample, qui remplaçait au pied levé Christophoros Stamboglis souffrant, ainsi que la Saffi pleine de charme d’Eleonore Marguerre et l’Arsena piquante de Melody Louledjian qui rééquilibrèrent le plateau vocal par leurs voix saines et savoureuses. 

En somme, un Baron « sans vice ni vertu », comme le dit si bien la formule, qui sera accueilli mollement par le public genevois.

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