Opéra de Nantes : les joyeuses aventures de la Mam’zelle Nitouche d’Hervé

- Publié le 19 décembre 2017 à 17:12
MAMZ’ELLE NITOUCHE
Une affiche criarde promet un « opéra révolutionnaire » ? Un hermaphrodite et un clown déambulent pendant l'Ouverture de Mam'zelle Nitouche, tandis que des nonnes dansent le cancan ? Soyez intrigués, bousculés et rassurés : loin d'être dénaturé, le vaudeville-opérette d'Hervé retrouve, dans le spectacle mis en scène par Pierre-André Weitz, ses couleurs vives, ses bons mots, et son théâtre loufoque.

Prime à la jeunesse, d’abord. Celle des personnages et de la troupe qui les incarne, chante, danse, passe d’un habit à l’autre, d’une porte à l’autre dans un décor qui tourne : ici un couvent aux pierres grisâtres, là le rideau rouge d’un théâtre, ici une gare et sa locomotive à vapeur, là les hauts murs et la verrière d’une caserne. Ronde ophülsienne de la vie, de ses aléas, rouet où se dévide le fil de la destinée.

Celui de l’héroïne, d’abord, la novice Denise de Flavigny qui cache sous sa blanche tunique un cœur d’artiste tout pailleté. On lui demande de chanter un alléluia ? La voici qui scintille dans un manteau argent, lovée autour de son micro… C’est qu’elle rêve de faire le mur du couvent des Hirondelles pour jouer dans l’opérette que l’organiste Célestin a composée en secret, sous le nom et le canotier de Floridor.

Denise prendra-t-elle, chaperonnée par Célestin, le train pour Paris, où ses parents veulent la marier à Fernand de Champlâtreux ? Fera-t-elle un crochet par le théâtre de Pontarcy où Floridor voudrait bien assister à la création de son ouvrage ? Y montera-t-elle sur scène pour remplacer la diva Corinne au débotté ? Soupera-t-elle dans une caserne avec une demi-douzaine de jeunes officiers qui ne demandent qu’à faire « Cric crac cuiller à pot » ? Giflera-t-elle un major cocu et pourquoi ? Prendra-t-elle finalement le voile ? Ou trouvera-t-elle l’amour ?

Pour le savoir, courez à Nantes, où l’Orchestre des Pays de la Loire trucule sous la baguette de Christophe Grapperon, ou guettez l’affiche à Rouen, Montpellier ou Puteaux. Car l’abattage de Laura Neumann, Denise fraîche et pimpante qui sait lever la jambe, la présence comique de Damien Bigourdan en Célestin dépassé par les événements, le sourire ravageur et la caresse vocale de Samy Camps en Champlâtreux valent le détour, étoiles d’un spectacle où leurs comparses font la cabriole jusqu’à se retrouver en nage.

Et où l’astre bienveillant qu’est Olivier Py brille sans leur faire d’ombre. A chaque tableau, son rayon de cocasserie : au I et au III une Mère supérieure au physique de Marguerite Duras qui embrasse le major sur la bouche (« Mais c’est mon frère, ma sœur ! »), au II une Corinne nymphomane dont la gouaille monstrueuse fait le grand écart entre Micheline Dax et la Castafiore. Un régal.

Mam’zelle Nitouche d’Hervé. Nantes, Théâtre Graslin, le 15 décembre.

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