Un Rinaldo de Haendel mirifique conquiert le public d'Angers Nantes Opéra

Xl_rinaldo © Jeff Rabillon

Créé au Queen’s Theatre de Londres en 1711, Rinaldo fut probablement le plus grand succès de Georg Friedrich Haendel de son vivant. Souvent repris au cours des années suivantes, il fut plusieurs fois remanié, selon les exigences et la disponibilité de tel ou tel chanteur. Confié en 1711 au sopraniste Niccolini, le rôle-titre fut, par exemple, incarné en 1731 par un autre castrat, Senesino, qui chantait en alto ; Argante, basse en 1711, se transforma, lui, en contralto… La version choisie par Bertrand Cuiller est plutôt libre : elle propose un mélange des deux versions principales (1711 et 1731), avec de nombreuses coupures réduisant la durée totale à deux heures de musique environ (et en supprimant, au passage, le personnage d’Eustazio). Dans une direction toujours alerte et incisive, à la tête de son ensemble Le Caravansérail, le chef français n’oublie pas de mettre en évidence la richesse orchestrale de cette partition, où les instruments sont souvent appelés à instaurer un véritable dialogue avec les voix, selon un schéma dramaturgique assez typique du théâtre baroque.


Rinaldo ; © Jeff Rabillon

Rinaldo ; © Jeff Rabillon

Confiée à la femme de théâtre française Claire Dancoisne, la proposition scénique ressuscite sous nos yeux les fastes de la machinerie baroque, tout en privilégiant la musique, avec ces airs où Haendel exalte, dans d’éblouissants feux d’artifice, l’amour, la jalousie, la colère, la fureur guerrière. Ainsi transcendés, ces airs acrobatiques échappent à la gratuité : chacun est enchâssé comme une pierre précieuse dans la splendeur du spectacle. S’inspirant de la Jérusalem délivrée du Tasse, le livret transpose les Croisades en un récit merveilleux, au sens premier du terme, et ce merveilleux est convoqué à chaque scène : Argante conduisant un monstre marin, Armide juché sur un dragon et Rinaldo sur un cheval fantastique. Toutes ces visions, plus époustouflantes les unes que les autres, enchantent la rétine et l’âme d’enfant des spectateurs. De même, les costumes plus farfelus les uns que les autres – conçus par Elisabeth de Sauverzac – participent au merveilleux de l’aventure fantasmagorique proposée ici.

On remarquera que la distribution est entièrement française, un exploit pour ce type d’ouvrage qui requiert beaucoup de ses interprètes. Le rôle-titre - incarné par le jeune contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Djian - est la révélation de la soirée. Alors que c’est son premier rôle d’importance, il a déjà tout d’un grand, s’avérant aussi éloquent dans le chant élégiaque que vigoureux dans la coloratura, en plus d’une crédibilité scénique et d’une opulence vocale indéniables. On lui promet un bel avenir ! Avec son timbre lumineux et sa ligne scrupuleusement contrôlée, Emmanuelle de Negri campe une admirable Almirena, nous offrant un « Lascia ch’io pianga » vraiment touchant, à la fois mélancolique et désespéré. De son côté, la jeune soprano Aurore Bucher se montre particulièrement exubérante dans le chant d’agilité, parfois presque téméraire, ce qui convient au personnage d’Armida, dont elle souligne l’agressivité et la fureur. Alto au beau timbre riche, Lucile Richardot – inoubliable Pénélope (monteverdienne) au dernier Festival de pâques d'Aix-en-Provence –  campe un Goffredo plein d’autorité, tandis que Thomas Dolié offre une voix solide et une ligne de chant savante dans le rôle d’Argante. On n'oubliera pas de citer, enfin, les deux épatants comédiens - Nicolas Cornille et Gaëlle Fraysse - qui se démènent comme des diables à incarner tout un bestiaire fantastique...

Triomphe total auprès du public nantais !

Emmanuel Andrieu

Rinaldo de Georg Friedrich Haendel à Angers Nantes Opéra, jusqu’au 6 février 2018

Crédit photographique © Jeff Rabillon

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