Elles ne sont pas si nombreuses, en province, les représentations des Dialogues des carmélites de Poulenc. C’est à Avignon que reviennent les félicitations pour avoir affiché l’ouvrage lyrique le plus célèbre du compositeur français créé en 1957 à… Milan.

Cette nouvelle production signée par Alain Timár va à l’essentiel : trois murs blancs et de subtiles projections colorées pour habiller l’ensemble. Après avoir annoncé à son père son souhait d’entrer au carmel, Blanche ne quittera plus la scène et apparaît guidée durant toute son initiation par deux personnages muets (l’un en costume blanc, l’autre en noir). Ils sont les responsables de son apprentissage et de son évolution. La mise en scène montre parfaitement cette lente gestation de l’esprit de l’héroïne ainsi que son questionnement intime. Pas d’assimilation à une époque particulière : les costumes sont neutres et soulignent très bien l’intemporalité du propos. À force d’épure on regrettera, peut-être, une trop grande économie dans la proposition scénique d’ensemble qui tend parfois vers l’extrême dépouillement.

Côté musical, les premières félicitations vont pour le chef Samuel Jean ainsi qu’aux musiciens de l’Orchestre régional Avignon-Provence qui offrent un fil narratif orchestral passionnant et constant tout au long des trois heures de représentation. La sobriété est le maître mot mais les différentes couleurs et énergies sont subtilement amenées sans fracas ni effets superflus.

Marie-Ange Todorovitch possède quant à elle toute l’amplitude du redoutable rôle de Madame de Croissy et y apporte une coloration grave et dramatique bienvenue. Ludivine Gombert, que l’on a plaisir à entendre dans un rôle d’envergure, présente une Blanche sensible mais jamais mièvre et soutient son incarnation avec intelligence sans jamais en faire retomber la tension. Mention spéciale pour Catherine Hunold dont l’ampleur vocale lui permet de donner au personnage de Madame Lidoine tout son caractère passionnant. L’interprète en montre l’aspect délicieusement maternel par un usage subtil de nuances mais souligne également sa dimension dramatique notamment lors de certaines scènes de prières. Sarah Gouzy est une Constance farouche et ne tombe pas dans la facilité d’en faire un personnage candide. Blandine Folio-Peres est une Mère Marie de l’Incarnation captivante dans ses répliques, au caractère autoritaire, qu'elle campe avec brio et sans effets superflus. Le reste des sœurs du carmel forme un groupe attachant et d’une belle homogénéité dont les scènes de prières (final compris) serrent souvent le cœur de par leur sincérité et leur finesse. Sans toujours atteindre le niveau de leurs homologues féminines, les protagonistes masculins complètent honorablement cette distribution.

En définitive, un spectacle réussi, bien soutenu par une équipe qui sert avec humilité et talent l’un des joyaux du répertoire lyrique français de la seconde moitié du XXème siècle.

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