Olga Peretyatko brille dans La Sonnambula de Bellini à l'Opéra de Lausanne

Xl_sonnambula © Alan Humerose

Mettre à l’affiche La Sonnambula de Vincenzo Bellini pose un double problème : celui de réunir un chef et une équipe de chanteurs parfaitement aguerris sur le plan technique et stylistique aux exigences du belcanto ; et celui de trouver un metteur en scène capable de conférer un minimum d’intérêt à une intrigue dont la naïveté paraît irrémédiablement datée aux yeux des spectateurs d’aujourd’hui. L’Opéra de Lausanne a esquivé la seconde embûche en proposant l’ouvrage sous format semi-scénique qui se résume ici (essentiellement) à quelques projections vidéo de « mise en situation » – images de montagnes, moulins, forêts et autres couchers de soleil - signées par Nicolas Wintsch. Seul accessoire, un prosaïque lit autour duquel se concentre l’action dans le premier acte…

Mais c’est bien évidemment pour la soprano star Olga Peretyatko que le public lausannois a accouru en force et en masse… alors qu’à titre personnel elle nous avait échaudé dans les quatre rôles féminins des Contes d’Hoffmann il y a trois semaines à l’Opéra de Monte-Carlo. Par bonheur, elle retrouve avec Amina son répertoire de prédilection, et offre une prestation vocale éblouissante, à défaut d’un engagement dramatique convaincant, la soprano russe restant tout le spectacle durant les yeux rivés sur sa tablette (et oui, on est en 2018...). Pour le reste, elle ne fait qu’une bouchée des difficiles vocalises dont est émaillée sa partie, qu’elle délivre de manière délicatement alanguie. Jamais elle ne force le trait : du cristallin « Sovra il sen la man mi posa », en passant par le sublime « Ah non credea mirarti », jusqu’au conclusif et électrisant « Ah non giunge », la maîtrise est totale. Nous voilà « réconcilié » avec cette artiste qui aurait tout à gagner à se cantonner – pour l’heure – au répertoire belcantiste.

Las, nous aurons moins de louanges pour son Elvino, le ténor italien Antonino Siragusa. Si nous apprécions ce (bary)ténor dans les Rossini « héroïques » tel qu’entendu au festival de Pesaro dans Armida en 2014 ou à Lyon dans Zelmira en 2015, il n’est pas vraiment à sa place dans la délicate partition du Cygne de Catane, où il apparaît tout simplement comme un chien dans un jeu de quilles ! Connaisseur, le public lausannois ne s’y trompe pas, et le sanctionne par des huées à l’issue de son grand air du II, délivré tutta forza ! Le Rodolfo de Nicolas Courjal lui vole sans peine la vedette : avec son timbre sonore de basse chantante, sa magnifique conduite du phrasé, son articulation parfaite, et sa virtuosité de haute école, il caractérise à merveille ce personnage ambigu, à la fois paternel et séducteur. De son côté, la jeune soprano catalane Cristina Segura fait de Teresa un personnage aux accents charmeurs, tandis que sa consœur Marie Lys (Lisa) possède une voix encore un peu verte, tout en maîtrisant cependant avec aplomb les vocalises acrobatiques de son air de noces. Enfin, Jean-François Lavandier compose un Alessio touchant tandis que Fernando Cuellar Leon campe un Notaire décidé.

Malgré quelques décalages inhérents au fait de jongler avec des musiciens placés devant lui et des chanteurs dans son dos, le chef italien Giampaolo Bisanti séduit par son interprétation élégiaque et sensible d’une musique dont il n’essaie pas de souligner inutilement l’assise rythmique. Récitatifs et airs s’interpénètrent dans l’harmonie, alors que les ensembles, structurés d’une main ferme, sont construits avec un sens incontestable de la progression dramatique. Un mot, pour finir, sur le Chœur de l’Opéra de Lausanne, qui s’acquitte de sa tâche avec maestria, ce qui lui vaut une ovation méritée au moment des saluts.

Emmanuel Andrieu

La Sonnambula de Vincenzo Bellini à l’Opéra de Lausanne (février 2018)

Crédit photographique © Alan Humerose
 

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