Christophe Rousset fait redécouvrir Orphée et Eurydice à Toulouse

Xl_orph_e_1 © Patrice Nin

Le Théâtre du Capitole donnait récemment Orphée et Eurydice de Glück, dans sa version française pour ténor de 1774. Nous ne reviendrons pas sur les différentes versions existantes de l'oeuvre, déjà esquissées par nos collègues lors de la dernière production donnée à Avignon ou encore dans notre dossier portant sur l’oeuvre. Le choix s’est ici porté sur une version de concert qui offrait ainsi la possibilité aux interprètes de se concentrer pleinement sur la voix tandis que les ballets ont été conservés, y compris le long final que l’on entend aujourd’hui rarement de l’édition Barenreiter proposant les divertissements rajoutés après la création du 2 août 1774.

C’est au ténor québécois Frédéric Antoun que revient la lourde tâche d’incarner Orphée, rôle véritablement central qui porte sur ses épaules une grande partie de la réussite (ou non) de la soirée. Ici, l’artiste parvient à conserver l’homogénéité de son émission ainsi qu’une assez belle projection. Il offre ainsi une prestation sans erreur, tout à fait suffisante pour passer une bonne soirée, mais qui ne va malheureusement pas au-delà. Malgré un premier « Eurydice » déchirant, la voix et l’interprétation globale ne laissent ni entendre ni ressentir l’évolution du personnage, les différents tourments et les passions qui l’animent. L’air « L’espoir renaît dans mon âme » qui se veut plein de vigueur et de courage ne sort pas ici du lot, et si les quelques agilités vocales qui parsèment le chant sont surmontées, encore une fois, on regrette que l’interprétation n'aille pas au-delà. Il en va de même avec le célèbre et déchirant « J’ai perdu mon Eurydice » qui est normalement un moment saisissant, suspendant le temps (nous nous souvenons encore de l’interprétation de Stéphanie d’Oustrac à La Monnaie en 2014), mais qui, là aussi, ne trouve pas de dimension vraiment particulière. Pour autant, nous préférons de loin un chant juste et homogène même sans interprétation marquante mais suffisante, à une tentative non assurée d’interprétation hasardeuse qui prendrait des risques avec la partition.

Face à lui, l’Eurydice de Judith Van Wanroij manque quelque peu de souffle et l’on s’étonne, face à une interprète si coutumière du baroque, de devoir tendre l’oreille. Si l’on peut penser au début que ce souffle à peine audible convient à une âme ni tout-à-fait vivante, ni tout-à-fait morte, on n'en rests pas moins déçu de ce manque de projection, que l’excellente prononciation ne fait pas oublier, notamment dans l’air « Fortune ennemie » qui demande une véritable énergie et dans lequel le duo avec Orphée n’aboutit pas aux formidables entrelacements des voix que l’on attend.

L’Amour est pour sa part incarné par Jodie Devos, que l’on regrette terriblement de ne pas plus entendre durant cette soirée ! Tout y est : prononciation parfaite, projection, douceur du timbre, les aigus très bien placés, sans effort apparent… Le spectaceur oscille ainsi entre plaisir et délice, sans être un seul instant déçu. Bref, l’Amour a bien des charmes, tandis que les Chœurs du Capitole, bien que très investis, laissent entendre un léger manque d’unité qui est le seul reproche que l’on puisse leur apporter.

Enfin, à la tête de ses Talens lyriques, Christophe Rousset fait montre de tout le talent que nous lui connaissons, obtenant de ses musiciens une rapidité et une excellence ébouriffantes. Il parvient également à nuancer et à apporter des couleurs à la partition qui nous font oublier que nous connaissons déjà l’œuvre pour l’avoir maintes fois entendue. L’équilibre est lui aussi parfait, le calme et la tempête s’enchaînent sous sa baguette et nous emportent pleinement. Peut-être est-ce là le grand point fort de cette soirée qui reste un très bon moment.

Elodie Martinez

Orphée et Eurydice, Théâtre du Capitole, le 23 février 2018.

Crédit photo : Patrice Nin

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