Opéra de Liège : retour gagnant pour Le Domino noir d’Auber

- Publié le 25 février 2018 à 11:42
Le Domino noir
Du vivant d'Auber, c'était son ouvrage lyrique le plus joué. L'Opéra royal de Wallonie le ressuscite, avant une reprise à la salle Favart dans quelques semaines.

Le domino noir n’est pas un jeu, mais ce long vêtement à capuche qu’Angèle de Olivarès, une novice du couvent des Annonciades, porte au bal pour dissimuler son identité. Peine perdu : Horace de Massarena, secrètement amoureux d’elle, n’aura aucun mal à la reconnaître. Minuit sonne, la belle s’envole. Mais, avec l’aide du fidèle Juliano, et après moult péripéties plus rocambolesques les unes que les autres, Horace finira par retrouver Angèle, libérée de ses vœux par un providentiel coup du destin : ils vécurent heureux et eurent sans doute beaucoup d’enfants…

Créé en 1837 à l’Opéra-Comique, Le Domino noir en était déjà à sa 1200e représentation en 1909. Mais après, plus rien ou presque, comme si le XXe siècle avait perdu le goût de ces ouvrages délicats mariant sur un pied d’égalité musique et dialogues parlés. Il est vrai que ceux-ci sont souvent un écueil, l’art de la comédie coulant rarement de source dans les gosiers des chanteurs lyriques. Une exception, ce soir : Marie Lenormand casse la baraque sous le tablier de Jacinthe, la gouvernante de Juliano, qui occupe tout l’acte II de son impressionnant volume – les metteurs en scène ayant fait du personnage une grosse bonne femme alla Dubout.

Pour d’autres seconds rôles, on a salutairement fait appel à une sociétaire et un pensionnaire de la Comédie-Française : Sylvia Bergé est sœur Ursule, la rivale d’Angèle au couvent ; Laurent Montel est Lord Elfort, l’unique parent de l’héroïne, qui rêve qu’elle devienne abbesse afin d’hériter ses biens. Et pour les grâces du chant, on peu compter sur les interprètes principaux. Avec son timbre acidulé, son agilité ailée et sa musicalité souriante, Anne-Catherine Gillet met fièrement ses pas dans ceux de Laure Cinti-Damoreau, l’illustre créatrice d’Angèle. Elle est aimée par Cyrille Dubois, Horace poète, modèle de style, de diction et de legato caressant. Second ténor au coloris et à la puissance avantageux, le Juliano de François Rougier a du caractère, tout comme la Brigitte d’Antoinette Dennefeld (la bonne amie d’Angèle).

Tous répondent au geste franc de Patrick Davin qui, au pupitre, ne ménage pas un Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie peinant parfois à garder son sang-froid (les traits virtuoses de l’Ouverture). Recélant des trésors de joyeuse animation, cette battue sculpte en orfèvre les finesses instrumentales dont Auber a brodé sa partition, tout en faisant palpiter le pouls du vaudeville.

On ne criera donc pas au sacrilège si quelques danses de l’acte I ont été remixées façon house music pour les besoins du spectacle de Valèrie Lesort et Christian Hecq. D’autant que les quiproquos sont rondement menés, dans les beaux décors de Laurent Peduzzi et sur le fil ténu entre rire et poésie nocturne, avec juste ce qu’il faut de fantaisie et de gags facétieux : les costumes de carnaval et la pendule géante qui joue des tours à l’acte I, le cochon rôti qui reprend vie au festin du II, comme les gargouilles et caryatides au couvent du III. Partie gagnée pour ce Domino : guettez donc la reprise à l’Opéra-Comique !

Le Domino noir d’Auber. Liège, Opéra royal de Wallonie, le 23 février. Prochaines représentations : Paris, Opéra-Comique, du 26 mars au 5 avril.

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