La Légende du Roi Dragon
d'Arthur Lavandier (né en 1987)
Opéra.
Livret d’après un conte pansori coréen

 

Direction musicale Quentin Hindley
Mise en scène Johanne Saunier
Chef de choeur / Responsable pédagogique et artistique Finoreille Brigitte Rose

Chefs de choeur des ateliers Finoreille Claire Bellamy, Élodie Christelle, Pascale Diéval-Wils, Xavier Fournier, Maryline Pruvost, Adélaïde Stroesser, Thibaut Waxin

Collaborateurs artistiques au metteur en scène Ine Claes, Mathieu Calleja, Agathe Cemin

Scénographie / décors Jim Clayburgh
Costumes Coralie Sanvoisin
Chef de chant Alphonse Cemin

Pianistes (répétitions) Jacques Schab, Vincent Delage

Avec

205 enfants des ateliers Finoreille

Chanteurs solistes
Chloé Briot :  soldat tortue
Marie Picaut :  maître lapin
Théophile Alexandre :  Ministre 1 ; Candidat Hippopotame ; Garde 2
Damien Pass :  Ministre 2 ; Candidat Tigre ; Garde 3
Tomislav Lavoie :  Ministre 3 ; Candidat Flamand-Rose ; Garde 1

Commande et production Opéra de Lille, en collaboration avec le Grand Sud. Coproduction Opéra national de Bordeaux. Avec le soutien du Fonds de Création Lyrique-SACD et de la Copie privée.

Partenariat

Avec le soutien de la Fondation Bettencourt Schueller, de la Fondation Daniel & Nina Carasso et de la Fondation Orange.

17 mars 2018 à l'Opéra de Lille

C'est à la fois l'histoire d'un projet ambitieux et une preuve supplémentaire – s'il en fallait encore une ! – de l'importance de s'adresser aux jeunes générations pour renouveler en profondeur le public de l'opéra. Cette Légende du Roi Dragon est née du projet Finoreille – réseau d'ateliers de pratique vocale développés par l'Opéra de Lille sur une vaste étendue du territoire des Hauts de France. Regroupant sur un rythme de répétitions hebdomadaires des enfants de 8 à 12 ans avec leurs familles, le projet impulse le plaisir du théâtre et de la pratique du chant choral. La qualité du résultat est étonnante !

 

La commande passée à Arthur Lavandier prend pour sujet un conte classique de la littérature chinoise et coréenne racontant la légende du Roi Dragon. L'œuvre reprend le schéma et les principes musicaux du P’ansori, opéra traditionnel coréen. Voyage utopique entre le royaume du fond de l'océan et le monde de la Terre, on suit les aventures d'une tortue désignée ambassadrice pour partir à la recherche du lapin médecin qui sauvera le roi Dragon. Le roi règne sous les eaux, et comme il a un peu trop fêté les victoires qu'il a remportées sur ses ennemis, il est tombé malade. Il soupire dans un demi-sommeil que le cœur d'un lapin sauvera le royaume – indication prise à la lettre par ses ministres qui décident d'envoyer la tortue à la recherche du fameux lapin.

La mise en scène de Johanne Saunier exige des enfants une coordination et une exactitude remarquables, en particulier dans les mouvements de foules (près de 200 enfants sont présents sur scène !) et la manière dont le corps du roi Dragon prend vie, constitué par une trentaine de chanteurs en culotte courte à qui est confié un élément particulier (yeux, griffes, mâchoire etc.).

L'arrivée de la tortue coïncide avec la campagne électorale pour savoir (entre autres) qui des serpents, hippopotames, pandas et autres perroquets ou tigres deviendra le roi de la Terre. Un joyeux tohu-bohu de cour de récréation accueille l'animal à la démarche lentissime. Le lapin surgit alors pour sauver la tortue de la bousculade qui menaçait de le piétiner. Ce lapin mystérieux pourrait être un lointain cousin du lapin blanc d'Alice aux pays des merveilles ; ce maître Pousseur des Végétaux, des Comestibles et des Médicaux, propose de suivre son amie tortue au chevet du roi afin de tenter de le guérir. Découvrant la méchanceté des ministres et la cruauté du sort qu'ils lui destinent, le soldat tortue tente de le libérer. Le roi intervient alors, concluant la fable par la révélation d'une morale bienveillante et humaniste : son but n'était pas de manger mais d'écouter le cœur du lapin. C'est chose faite et il peut désormais mourir et laisser le royaume aller en paix.

Découverte avec une surprenante adaptation de la Symphonie fantastique d'Hector Berlioz et surtout l'opéra le Premier Meurtre, donné dans ce même Opéra de Lille en 2016, la musique d'Arthur Lavandier se révèle ici une forme ludique et rutilante. La Légende du Roi Dragon est un opéra pour enfant qui respecte le format traditionnel d'une forme en trois parties, pour cinq chanteurs solistes, chœur d’enfants et orchestre. La narration est confiée à une voix soliste accompagnée par une percussion obsédante qui rappelle les résonances des gamelans de Bali, et qui confère au texte une enveloppe rythmique très souple et contrastée. Tant pas l'intensité que par la rapidité d'élocution, la voix implique et dirige un accompagnement spécifique. Cette musique écrite ne se dépare jamais du sentiment que donnerait un modèle équivalent mais improvisé. Au-delà d'une couleur très "typée", l'écriture d'Arthur Lavandier a cherché à intégrer des éléments structurels et stylistiques de l'opéra asiatique. Le projet ne cède en rien à une forme de facilité qui ferait du sur-mesure à partir d'éléments de comptine pour enfants. Le langage musical utilise pour cela la division des rôles en trois groupes, répartis en fonction des trois personnages principaux : les deux narrateurs (Tortue et Lapin) et Ie Roi Dragon Iui-même, pour lesquels la forme rythmique est le matériau de base.

 

L'ensemble Le Balcon officie en fidèle compagnon dans l'aventure de ce spectacle jeunesse, sous la direction alerte de Quentin Hindley. La pétulante Chloé Briot attire tous les regards et fait se dresser toutes les oreilles. Cette tortue coréenne n'a rien du reptile nonchalant qui mâchonne sa salade. Elle vitupère en aigus solidement vrillés, déguisée en jeune scout (référence au slogan "à cœur vaillant, rien d'impossible ?"). Marie Picaut lui donne la réplique, avec une impayable dégaine de lapin aussi urbain que médecin, en survêtement et casquette d'adolescent. Les trois chanteurs masculins se répartissent chacun une palette de trois rôles. Théophile Alexandre est hilarant en Ministre Poulpe, tandis que Tomislav Lavoie fait son grand numéro dans le costume du Candidat Flamand Rose et Damien Pass dans celui du Candidat Tigre. Saluons pour finir la performance des 205 enfants Finoreille qui ont su répondre présent à un projet volontaire et ambitieux. Par leur enthousiasme et leur cohésion, ils ont su démontrer qu'on pouvait faire fi des idées reçues et placer la barre très haut pour tirer le meilleur d'un spectacle jeunesse qui leur propose un défi d'envergure.

 

À revoir jusqu'au 18/09/2018 sur culturebox : https://culturebox.francetvinfo.fr/opera-classique/opera/la-legende-du-roi-dragon-a-l-opera-de-lille-269635

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David Verdier
David Verdier Diplômé en musicologie et lettres modernes à l'université de Provence, il vit et enseigne à Paris. Collabore à plusieurs revues dont les Cahiers Critiques de Poésie et la revue Europe où il étudie le lien entre littérature et musique contemporaine. Rédacteur auprès de Scènes magazine Genève et Dissonance (Bâle), il fait partie des co-fondateurs du site wanderersite.com, consacré à l'actualité musicale et lyrique, ainsi qu'au théâtre et les arts de la scène.
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