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Hérodiade de Massenet à l’Opéra de Marseille – Dépouillement et cohérence – Compte-rendu

Créée à la Monnaie de Bruxelles en décembre 1881, l’Hérodiade de Massenet – sur un complexe livret d’après le dernier des Trois Contes de Flaubert – ne connut pas d’emblée le succès en France (où il fut créé en 1884 au théâtre des Italiens). Il fallut attendre 1921 pour que l’Opéra de Paris joue l’œuvre dans son intégralité, mais elle fit ensuite les beaux soirs des théâtres de province, avant de connaître un relatif oubli par rapport à Manon (1884) et Werther (1892). On n’avait pas vu l’ouvrage à l’Opéra de Marseille depuis 1966 ; il y fait son retour avec une production en tous points réussie.
Inva Mula (Salomé) & Jean-François Lapointe (Herode) © Christian Dresse

Jean-Louis Pichon, fin connaisseur de Massenet, signe une mise en scène qui, par sa simplicité et son dépouillement, ne fait jamais obstacle à la musique. Une forme de huis clos met au second plan la dimension de grand opéra historique au profit d’un travail sur la psychologie des personnages. Le décor, constitué de lames, symbolise la violence et rejette les Hébreux derrière des grilles tandis que les lumières de Michel Theuil, savamment tamisées, et des vidéos (de Georges Flores) illustrent les différents lieux de l’action. En un espace laissé vierge, les protagonistes évoluent comme dans une pièce classique. Les nombreuses scènes de foule sont relativement statiques mais les chœurs très bien préparés par Emmanuel Trenque contribuent, malgré quelques décalages, à donner de l’expression au drame. La chorégraphie de Laurence Fanon réduite à quatre danseurs se marie bien à une esthétique fuyant la surcharge.

© Christian Dresse
 
Harmonieusement distribué, le plateau bénéficie de la présence de voix de belle stature. Inva Mula n’est certes pas la Salomé naïve que l’on attend, mais elle possède une présence qui fait oublier quelques inégalités de diction. Béatrice Uria-Monzon impose une Hérodiade tendue et impeccable de ton, légèrement sur la défensive face à l’enjeu de la Première.
Excellentes voix masculines avec l’Hérode de Jean-François Lapointe toujours aussi à l’aise et d’une autorité stylistique qui ne se dément pas. Florian Laconi incarne un Jean intense auquel aucune inflexion n’échappe. Par la profondeur de son timbre et sa puissance d’intonation, Nicolas Courjal fait forte impression en Phanuel, le mage assyrien. Les autres rôles (Vetellius de Jean-Marie Delpas, le Grand Prêtre d’Antoine Garcin) ne déparent pas dans cette distribution haut niveau.
Victorien Vanoosten © victorienvanoosten.com

Le jeune chef Victorien Vanoosten – qui fut assistant auprès de Lawrence Foster à l’Opéra de Marseille et occupera prochainement cette position au côté de Daniel Barenboïm à la Staatsoper de Berlin – possède une vision d’ensemble ; toujours attentif à l’équilibre entre fosse et plateau, il allie le dynamisme à l’élégance, et sa direction brillante, enflammée, contrastée, sait mettre en relief les nuances de l’écriture (avec des interventions subtiles du violoncelle, de la flûte, de la harpe et du saxophone). Salle un peu clairsemée pour la Première et quelques huées dont on ne comprend pas la teneur face à la qualité d’un spectacle d’une grande cohérence.
 
 Michel Le Naour

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Massenet : Hérodiade - Marseille, Opéra, 23 mars ; prochaines représentations les 28 30 mars / opera.marseille.fr/programmation/opera/herodiade
 
Photo © Christian Dresse
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