Le mythe du Roi Arthur évoque bien des adaptations, qu’elles soient scéniques, opératiques, télévisuelles ou cinématographiques. Celle qui nous intéresse aujourd'hui est le fruit de la collaboration fructueuse entre la vision scénique de Marcial Di Fonzo Bo et la direction musicale de Leonardo Garcia Alarcon pour le Grand Théâtre de Genève.

Visiblement la proposition scénique est arrivée tardivement à cause de changements  de dernière minute, ce qui peut expliquer une production un brin chaotique de cet opéra.  Néanmoins le public a le plaisir d’assister à la création d'une œuvre repensée par Leonardo Garcia Alarcón lui-même, l’agrémentant d’autres pièces puisées dans l’oeuvre de Purcell, comme cela se faisait couramment à l’époque, dans une fluidité qu’on lui connaît, étant un excellent claveciniste et continuiste. Mêlant musique et théâtre, la partition illustre la lutte pour l’amour d’Emmeline, sur fond de conflit entre Anglais et Saxons. 

Ce genre hybride, entre théâtre parlé et opéra, permet de pleinement profiter des textes adaptés en français pour l'occasion. Malheureusement le tout prend difficilement d’un point de vue purement théâtral: le texte est souvent déclamé plus que joué, Le Roi Arthur de Simon Guélat peine à trouver un rythme naturel, et l’Emmeline de Laure Aubert à capter l'attention. Reste le spectre sculptural de Paul Laurent qui intrigue et emporte l’adhésion par son incarnation androgyne d'une Mathilde digne des défilés d’Alexander McQueen, et l’énergétique Thomas Scimeca qui campe un Osmond charismatique et foisonnant de naturel.

Les comédiens évoluent dans un plateau sombre, flanqué d’une forêt dense et d’illustrations évoquant Gustave Doré. Cela suffit à révéler le cadre, sans en faire trop, et renforce cette ambiance noire et maléfique, peuplée de spectres, d’animaux effrayants, de signes de la mort. Dans cette scénographie assez sobre, les costumes de Pierre Canitrot offrent une modernité hétéroclite bienvenue.

D’un point de vue musical, Leonardo Garcia Alarcón se donne du mal afin de fluidifier la trame opératique. Révélant les très beaux passages de l'œuvre, il offre une splendide ouverture et soigne les multiples accompagnements et ritournelles où s'observe le génie musical de Purcell, lequel pimente toujours ses partitions d’une richesse harmonique d’une modernité incomparable.

Du plateau vocal, de belle tenue, se distingue notamment Ivan Thirion dans le rôle de Grimbald qui charme les auditeurs dans « Let not a moon born-elf », ainsi que la soprano Keri Fuge à la voix souple et lumineuse dans le « Hither this way ». Le Chœur du Grand Théâtre est d’un bout à l’autre très à son aise dans ce répertoire qui ne lui est pourtant pas habituel.

Dans la scène de chasse, on aura particulièrement apprécié la belle ambiance qui règne dans l’orchestre, des flûtes particulièrement évocatrices, et un très musical ténor en la personne d’Ed Lyon dans « How blest are the shepherds, how happy their lasses », repris par le chœur de manière très sensible. L’air du froid reste l'un des moments forts de la partition, que l’incarnation de Grigory Shkarupa, encombré d'une énorme pelisse de neige, agrémente d'une voix caverneuse à souhait.  Autre tube, le « Fairest Isle »; l'accompagnement est diaphane, et permet de le restituer dans une fraîcheur et un charme du meilleur effet par la soprano Bernarda Bobro, attifée d’une robe parsemée de crustacés et des cheveux de mer.

Pour finir l’Ode à St. George et le chœur des Britanniques, les trompettes viendront couronner de leurs sonorités étincelantes une soirée qui, malgré de nombreux beaux moments, nous a laissé dans l'ensemble circonspect.

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