Giuseppe Verdi (1813–1901)
Macbeth Opéra en quatre actes (1847 et 1865)

Livret de Francesco Maria Piave d'après la tragédie homonyme de Shakespeare
Coproduction Opéra national de Bordeaux et Opéra national de Lorraine (2012)
Jean-Louis Martinoty (Mise en scène)
Frédérique Lombart (Réalisation de la mise en scène)
Bernard Arnould (Décors)
Daniel Ogier (Costumes)
François Thouret (Lumières)
Gilles Papin (Vidéo)

Vitaliy Bilyy (Macbeth)
Béatrice Uria-Monzon (Lady Macbeth)
In Sung Sim (Banco)
Otar Jorjikia (Macduff)
Boris Stepanov (Malcolm)
Emanuela Pascu (Une dame d'honneur)

Choeur du Capitole Alfonso Caiani (Direction)
Orchestre national du Capitole
Michele Gamba (Direction musicale)

Toulouse, Théâtre du Capitole, 20 mai 2018

Avant-dernière production présentée au Capitole de Toulouse, en attendant de découvrir la première saison du nouveau directeur artistique des lieux, Christophe Ghristi, ce Macbeth coproduit avec les opéras de Bordeaux et de Lorraine et à l'affiche jusqu'au 29 mai, vaut surtout pour sa distribution et sa direction orchestrale enflammée.

Vitaliy Bilyy (Macbeth), Béatrice Uria-Monzon (Lady Macbeth), Otar Jorjikia (Macduff), Boris Stepanov (Malcolm)

Il y a longtemps que Jean-Louis Martinoty ((Jean-Louis Martinoty est décédé en 2016, NdR)) n'a plus grand chose à dire  et ce n’est ni son Faust indigne vilipendé à Paris en 2011, ni cet éprouvant Macbeth créé à Bordeaux en 2012 et repris actuellement à Toulouse qui pourront apporter un démenti à cette assertion.
Livrés à eux-mêmes, sans direction d'acteur, sans proposition scénique avérée, ni parti pris, si ce n'est celui de la laideur, les interprètes errent au pire sur le plateau, bras ballants et regards vides (Banco, Macbeth, Macduff), ou tentent au mieux de sauver les meubles en misant sur la sobriété (Lady Macbeth). Le drame de Shakespeare avec sa réflexion sur la quête absolue et effrénée du pouvoir symbolisée par couple avide de gloire et de sang qui finira par faire perdre la raison, est ici traité sans la moindre nuance à grand renfort de projections (rouge pour le sang!), d'éclairs (pour l'orage!), la palme revenant aux figurants déguisés en fougères géantes parmi lesquelles le pauvre Banco aura la mauvaise idée de s'égarer au cours d'une « Orrenda notte » qui lui sera fatale ; et au ballet (donné ici in extenso) où en fait d'ondines et de sylphides, d'horribles personnages couverts d'attributs empruntés à des poupées cassées, évoluent comme autant d'étranges créatures contrefaites qui rappellent celles du surréaliste Hans Bellmer.….
Inutile de préciser que les sorcières n'ont d'intérêt que vocal, la qualité des chœurs et de leur chef Alfonso Caiani, rattrapant la misère visuelle qui nous est imposée quatre actes durant.
Vaguement transposé dans un espace sans âme, à mi-chemin entre un entrepôt de miroitier et une austère salle d'apparat plongée dans une lumière continument glauque, la scénographie cultive la froideur sans jamais parvenir à combler la platitude du traitement de l'action.
La représentation est fort heureusement sauvée par le chef Michele Gamba, ancien assistant de Daniel Baremboïm, entendu l'an dernier à Montpellier dans une excellente Armida, qui transcende la partition à chaque instant et sait instaurer un climat de tension extrême où flottent, imperceptibles, les éléments surnaturels qui accompagnent le destin de Macbeth. L'italien a du tempérament car le tempo jamais ne retombe, à quelques menus dérapages près, mais également une propension à souligner les liens tenus qui unissent Verdi aux derniers feux du bel canto et que l'on sent encore dans l'écriture virtuose de la cabalette de Lady « Or tutti sorgete » (1er acte) et plus encore au moment du Brindisi « Si colmi il calice » (2ème acte).

Vitaliy Bilyy (Macbeth), Béatrice Uria-Monzon (Lady Macbeth)

Le couple Macbeth/Lady, est d'abord crédible physiquement et beau à regarder : lui, l’ukrainien Vitaliy Bilyy, a de l'allure mais un jeu limité, une voix claire à l'aigu facile, toutefois fâchée à plusieurs reprises avec la justesse et une tendance à chanter sans se soucier d’expressivité. Sa jeunesse et la plénitude de son émission se marient cependant parfaitement à la Lady venimeuse que campe avec une belle assurance Béatrice Uria-Monzon. Attentive au contrôle de la ligne, celle-ci incarne pour la seconde fois (après une prise de rôle effectuée à Bruxelles en 2016) un personnage puissant, calculateur, qui sait user de ses charmes mais dont la dévorante ambition la perdra : d'abord conquérante et invincible, dans un belle tenue verte accessoirisée au fil des scènes, c'est une femme prématurément vieillie que l'on retrouve pendant la scène de Somnambulisme interprétée avec justesse et sang-froid, ré bémol compris, qui sera sa dernière apparition parmi les vivants.
In Sung Sim offre sa splendide voix de basse au rôle de Banco tandis que Ottar Jorjikia triomphe dans le court, mais gratifiant rôle de Macduff, grâce à un timbre où le lyrisme se mêle à un phrasé typiquement latin, Boris Stepanov (Malcom) et Emanuela Pascu (Dame d'honneur) complétant élégamment cette distribution.

Vitaliy Bilyy (Macbeth), Béatrice Uria-Monzon (Lady Macbeth)

 

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François Lesueur
Après avoir suivi des études de Cinéma et d'Audiovisuel, François Lesueur se dirige vers le milieu musical où il occupe plusieurs postes, dont celui de régisseur-plateau sur différentes productions d'opéra. Il choisit cependant la fonction publique et intègre la Direction des affaires culturelles, où il est successivement en charge des salles de concerts, des théâtres municipaux, des partenariats mis en place dans les musées de la Ville de Paris avant d’intégrer Paris Musées, où il est responsable des privatisations d’espaces.  Sa passion pour le journalisme et l'art lyrique le conduisent en parallèle à écrire très tôt pour de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, qui l’amènent à collaborer notamment au mensuel culturel suisse Scènes magazine de 1993 à 2016 et à intégrer la rédaction d’Opéra Magazine en 2015. Il est également critique musical pour le site concertclassic.com depuis 2006. Il s’est associé au wanderesite.com dès son lancement

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1 COMMENTAIRE

  1. Il est curieux que cette "horrible" mise en scène ait été reprise depuis Bordeaux en 2012 à Annecy la même année, Toulon en 2014, Toulouse donc en 2018 et pour l'instant, Limoges en 2019 … Quant au manque de direction d'acteurs, il aurait été plus honnête de signaler que compte tenu de la disparition de Jean-Louis Martinoty en 2016 la mise en scène a été réalisée au Capitole par Frédérique Lombart.

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