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Rien ne va plus

Gent
Opera Vlaanderen
06/13/2018 -  et 15, 17, 19 (Gent), 28 juin, 1er*, 3, 5, 7 juillet (Antwerpen) 2018
Serge Prokofiev: Le Joueur, opus 24
Anna Nechaeva (Polina), Ladislav Elgr (Alekseï), Miguel do Vale (Double d’Alekseï), Eric Halfvarson (Le Général), Renée Morloc (Babulenka), Michael J. Scott (Marquis), Kai Rüütel (Blanche), Pavel Yankovsky (Monsieur Astley), Denzil Delaere (Nilski, Premier croupier), Markus Suihkonen (Baron Wurmerhelm, Grand Anglais, Vieux joueur), Bea Desmet (Baronne Wurmerhelm), Simon Schmidt (Potapitch, Joueur infortuné), Nabil Suliman (Le directeur du casino), Davy Smets (Second croupier), Thierry Vallier (Gros Anglais)
Koor Opera Vlaanderen, Symfonisch Orkest Opera Vlaanderen, Dmitri Jurowski (direction)
Karin Henkel (mise en scène), Muriel Gerstner (décor), Klaus Bruns (costumes), Hartmut Litzinger (lumières)


(© Opéra des Flandres)


« Rien ne va plus » : la production de fin de saison à l’Opéra des Flandres en respecte parfaitement la thématique, puisqu’il s’agit du rare Joueur de Prokofiev, dont il faudrait absolument monter en Belgique d’autres opéras, comme L’Amour des trois oranges, Les Fiançailles au couvent ou Guerre et Paix. Ne comptons pas sur l’Opéra royal de Wallonie, au répertoire désespérément restreint, mais sur l’institution flamande, plus audacieuse, et sur la Monnaie, où fut d’ailleurs créé Le Joueur, en 1929 seulement, dans une version révisée, alors que Prokofiev avait achevé la composition en 1917, avant ses années d’exil ; le compositeur rédigea lui-même le livret d’après l’ouvrage éponyme de Dostoïevski.


Reposant sur une direction d’acteurs précise et soutenue, la mise en scène se révèle intéressante mais elle captive peu. Le travail de Karin Henkel, qui a monté au théâtre d’autres pièces de l’écrivain russe, laisse penser que cet ouvrage présente, à tort, un intérêt principalement musical. La scénographie ne reproduit quasiment rien de l’univers des casinos, à l’exception des chutes de jetons sur des protagonistes atteints de troubles psychotiques. Le décor, unique et assez simple, montre, en effet, une chambre reproduite deux fois, puis trois fois, comme un effet de miroir, tandis que certains personnages, en particulier Alekseï et Polina, sont accompagnés de leur double, idée désormais fréquente, mais, cette fois, intelligemment bien exploitée, avec d’admirables effets rétrospectifs et esthétiques. La tension a néanmoins tendance à fléchir : nous nous attendions, pour cet opéra, à un spectacle autrement plus explosif et frénétique. Pour sa première mise en scène lyrique, Karin Henkel recourt, en outre, à de vieux procédés, comme des citations d’autres textes de l’écrivain et des bruitages, ce qui n’apporte rien de décisif à cette production qu’il faudrait revoir en vidéo tout en suivant les sous-titres pour mieux l’apprécier ; une mise en scène à l’allemande, en somme, et rien de plus.


Ce spectacle qui se déroule sans entracte tire surtout sa force de la distribution, solide et d’une cohésion parfaite. Tous les chanteurs paraissent crédibles et garantissent un niveau vocal élevé, par la beauté du timbre et la conduite du chant. Anna Nechaeva met en valeur en Polina une voix charnue et magnétique, mais elle se positionne, par son tempérament, en retrait, surtout comparée à Renée Morloc, qui délivre un formidable numéro de comédie en Babulenka, et Eric Halfvarson, inoubliable par son mordant et son talent scénique en Général, vieux braque sous perfusion. La voix peu puissante mais plaisante de Ladislav Elgr colle au plus près de la psychologie d’Alekseï, présent sur scène presqu’en permanence, ce qui constitue un exploit, tandis que Michael J. Scott, Pavel Yankovsky et Kai Rüütel composent également de beaux personnages, autant de saisissantes incarnations qui attestent de l’importance que Karin Henkel accorde à la caractérisation, jusqu’aux plus petits rôles.


La prestation claire et entraînante de l’orchestre, impeccablement dirigé par Dmitri Jurowski, constitue un véritable régal. Contrôlant le volume et la puissance avec minutie, le chef restitue pleinement la nature incisive et coruscante de cette musique. Le jeu orchestral, de haut vol, et les sonorités, splendides, tendent ainsi à confirmer la supériorité et la constance de cet orchestre parmi les formations des trois maisons d’opéra belges. L’ancien directeur musical reviendra la saison prochaine pour Cardillac, représenté du 3 au 12 février à Anvers, et du 21 février au 3 mars à Gand. A elle seule, sa présence vaudra assurément le déplacement.



Sébastien Foucart

 

 

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