Les Vêpres siciliennes de Verdi au Festival de Munich : un double massacre

- Publié le 1 août 2018 à 17:29
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Les grandes maisons ont leurs ratages. A Munich, Les Vêpres siciliennes touchent le fond.

Estimé dans les théâtres allemands, hôte d’Avignon en 2014, Antù Romero Nunes veut des Vêpres siciliennes « danse macabre » et « danse sur un volcan ». Bonne idée. Il peut transposer les guerres d’Italie à l’époque napoléonienne et faire porter aux Siciliens opprimés des masques mortuaires. De là à faire jouer les soldats français comme des guignols… Distanciation ? Vide abyssal plutôt, de la réalisation et de la direction d’acteurs, sans la moindre tension pour ce drame de l’occupation, de la résistance, de l’amour et de la paternité. Et lourdeur redondante de la scénographie, avec les ondulations laborieuses d’une gigantesque toile en plastique pouvant rappeler à la fois la mer, les replis ténébreux du pouvoir usurpé, une décharge, un linceul… On s’en lasse très vite. Le spectacle, de toute façon, est plastiquement laid, parfois ridicule, comme lorsque la mère de Henri transformée en madone se débat dans un aquarium… Tout tombe à plat. Une seule image reste : celle d’Hélène, au dernier acte, attachée à huit voiles de mariée tombés des cintres alors que pleuvent des confetti blancs. Un baume : on vient de subir, sur des extraits du ballet des Quatre saisons parfois transformés en assourdissante musique techno, une mascarade censée représenter « l’utopie inattendue de la paix ».

La musique ne fait pas oublier le loupage. L’auditeur francophone, d’abord, passe un pénible moment : le français n’est pas moins massacré que les Français. Le Procida d’Erwin Schrott, qui ressemble à un Inca, a une voix, mais ni ligne ni style, avec des effets d’un goût douteux. Bryan Hymel, dont les débuts laissaient croire qu’il s’approprierait les rôles français, n’est plus que nasal, hurleur et sanglotant – dire qu’il sera bientôt Raoul des Huguenots à Bastille… Heureusement, George Petean et Rachel Willis-Sorensen sauvent l’honneur. Certes le baryton roumain manque de mordant pour l’oppresseur, mais il sait phraser et nuancer son père malheureux. Lauréate d’Operalia en 2014, la jeune Rachel Willis-Sorensen s’attaque à forte partie : Hélène requiert un vrai soprano dramatique d’agilité.

Encore un peu vert, avec parfois de la faiblesse dans le bas médium et le grave, le chant reste très prometteur : beau timbre charnu, exquises nuances, superbe air de la prison et Boléro assumé. Au pupitre, Omer Meir Wellber prend le parti d’une théâtralité exacerbée, mais peine parfois à canaliser son énergie, provoquant des décalages avec la scène.

Les Vêpres siciliennes de Verdi. Munich, Staatsoper, le 26 juillet.

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